Une toiture expérimentale, cultivable, rafraîchissante et accessible

À Strasbourg, l'ancienne Manufacture des Tabacs, fermée en 2010, a bénéficié d'une restructuration complète de ses bâtiments, conçue par l'agence d'architecture Atelier Matthieu Buisson. L'objectif : transformer l'ensemble, installé en plein cœur de la ville, pour créer "un écosystème innovant et créatif, centré sur la jeunesse, les arts, les sciences et l'expérimentation", explique son nouveau propriétaire, la société d'aménagement et d'équipement de la région de Strasbourg (la Sers). Parmi les opérations réalisées, la mise en œuvre d'une toiture-terrasse multifonction : à la fois accessible, potagère, végétalisée, à rétention d'eau et expérimentale.

Sur le bâtiment central, 1 570 m² de toiture-terrasse ont été aménagés permettant ainsi de ramener la nature au sein du site car la présence de réseaux au sol empêchait la plantation d'arbres. À la manœuvre : l'agence de Strasbourg de Soprema Entreprises dont le début de l'intervention a consisté en l'arrachage de l'étanchéité existante, "tout en conservant les bandes de rive en zinc, conformément aux exigences des architectes des bâtiments de France pour cet ouvrage classé. Nous avons travaillé par zone de 200 m² afin de poser le pare-vapeur sur l'élément porteur en béton à l'avancement et ainsi assurer le hors d'eau", décrit le conducteur de travaux David Almelet. Le complexe d'étanchéité mis en œuvre était ensuite composé d'un double lit d'isolant en polyuréthane (90 mm + 100 mm d'épaisseur) et d'un bicouche bitumineux traité anti-racine. "L'installation des protections lourdes a représenté le plus gros défi pour nos équipes."

"Outre le retour de la nature en ville, ces toitures devaient remplir d'autres fonctions", poursuit Lionel Sindt, responsable technique pour Sopranature. Et notamment, la lutte contre les îlots de chaleur urbains. "Pour remplir cet objectif, nous avons pris le parti de faire de l'ouvrage le terrain d'expérimentation d'un procédé que nous développons, permettant de créer une nappe phréatique sous la végétalisation et de stocker l'eau. Un géotextile fait remonter capillairement l'eau qui alimente ainsi les plantes en continu. Ces dernières ont été choisies pour leur forte capacité d'évapotranspiration*." Un équipement de mesure, installé sur la toiture végétalisée en partenariat avec le CSTB, enregistre les températures de surface pour analyser les effets rafraîchissants du système sur ce milieu très minéral. Un arrosage automatique muni de sondes irrigue la toiture uniquement lorsque nécessaire. Techniquement, ce système impose une pente nulle. Or, "elle était ici de 5 %. Nous avons joué avec les épaisseurs d'isolant pour la rattraper."

Ces 715 m² de toiture sont complétés par une terrasse potagère (40 cm d'épaisseur de substrat) dont la production est destinée au restaurant en dessous et 340 m² de terrasses accessibles avec revêtement en platelage bois sur plots, issus de panneaux de coffrage recyclés.