
Étanchéité.Info Dans leur grande majorité, vos projets exploitent les toitures plates et les terrasses. Qu’est ce qui vous a amené à réfléchir à ces usages ?
Édouard François Deux principaux axes ont guidé mes réflexions. Le premier, c’est que la hauteur offre la possibilité de sortir de la ville, de retrouver un horizon, d’avoir accès à un extérieur offrant une vision différente, même privilégiée de l’environnement, tout en évitant l’étalement urbain. Mais, et c’est mon second objectif, cet avantage ne doit pas être réservé aux seules personnes ayant les moyens de se le financer. L’idée de hauteur pour tous s’est progressivement imposée dans ma façon de concevoir des immeubles de logements collectifs.
E.I. Comment s’est-elle concrétisée ?
E.F. C’est à Grenoble que j’ai expérimenté pour la première fois une nouvelle typologie d’immeuble, qui reprend un peu l’image de l’ananas. La tour Panache comprend 42 logements et 32 terrasses agencés selon un principe particulier : les étages inférieurs sont réservés aux appartements tandis que tous les espaces extérieurs sont au-dessus. Et pour mettre tous les habitants sur un pied d’égalité, les logements les plus bas disposent des terrasses les plus hautes et inversement. Pour en faciliter l’usage, chacune est conçue comme un appartement de plein droit avec une porte d’entrée, une petite partie habitable avec cuisine et sanitaires, un interphone… Nous sommes même allés jusqu’à désorganiser les boutons de l’ascenseur qui y mènent afin de modifier leur statut. Le concept a été un succès : les ventes d’appartements ont connu un record de vitesse.

(c) Luc Boegly + Sergio Grazia
E.I. Vous l’avez dupliqué dans le cadre du Grand Paris notamment…
E.F. Oui, car il est la preuve que le désir d’habitabilité qualifie non seulement l’appartement mais aussi l’immeuble et même le quartier tout entier. À Asnières-sur-Seine, l’immeuble Sky and Garden, qui accueillera notamment l’un des événements des Paris Rooftop Days en septembre prochain (voir encadré), suit le même principe. L’idée était d’en plus créer au dernier étage un appartement partagé. Celui-ci bénéficie de prestations de haute qualité avec un séjour ouvert à 360 °, une entrée dans laquelle pénètre la lumière naturelle, une cuisine sous verrière, des chambres à double exposition et une fenêtre dans chaque salle de bain. Malheureusement, le promoteur a refusé qu’il soit exploité ainsi. J’en ai donc fait l’acquisition pour pouvoir le mettre à la disposition des habitants si nécessaire. La philosophie du lieu a néanmoins prouvé son intérêt. Elle a désormais un nom : le « Phare ». C’est le premier du Grand Paris. Deux autres sont en cours de création au Kremlin-Bicêtre et à Saint-Denis.
E.I. Vous militez pour un accès pour tous aux rooftops et aux terrasses…
E.F. L’idée de privatiser ces lieux ne m’intéresse pas. Il faut les ouvrir au public dès que c’est possible. Nous l’avons fait par exemple en rooftop de l’hôtel Le Cheval Blanc à Paris. Le restaurant qui s’y trouve est accessible à tous, même aux non-résidents de l’hôtel. C’est également le cas à Bordeaux, sur le projet Canopia.
E.I. Travaillez-vous également sur d’autres types d’exploitation des toits-terrasses ?
E.F. Il n’est pas évidemment de faire cohabiter plusieurs usages sur une même toiture. Les choix se font au cas par cas selon les opportunités. Par exemple, sur la tour M6B2, également appelée tour de la biodiversité avenue de France à Paris, ouvrir le toit au public n’avait pas de sens. Nous en avons donc fait un espace dédié à la biodiversité. Deux mètres de terre y ont été rapportés et nous les avons laissés tels quels pour permettre à la faune et la flore de s’y développer à leur rythme. En constituant ainsi des espaces protégés pour la nature, la toiture s’intègre dans les corridors verts de la ville.
Les Rooftop Days : le festival des toitures-terrasses
Dans le cadre du festival des Paris Rooftop Days 2025 piloté par la CSFE, l’appartement du dernier étage de l’immeuble Sky and Garden à Asnières-sur-Seine accueillera le 26 septembre au matin plusieurs conférences organisées par l’Union des Architectes des Hauts-de-Seine (UNSFA 92) sur la thématique de la surélévation notamment.
Le contexte
Ancien élève de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et de l’École nationale des ponts et chaussées, Édouard François est architecte et urbaniste depuis 1986. Il crée sa propre agence d’architecture, d’urbanisme et de design en 1998 qui prendra le nom de Maison Édouard François en 2012.