Les exigences croissantes en matière de performance énergétique ont entraîné une augmentation généralisée des épaisseurs d’isolant ainsi que la suppression d’un maximum de ponts thermiques. Afin d’encadrer les pratiques, la CSFE a lancé la rédaction de nouvelles Recommandations professionnelles qui paraîtront dans quelques semaines.

A côtés de l’étanchéité à l’air, le deuxième grand sujet lié à la performance énergétique des bâtiments en acier est évidemment l’isolation thermique de l’enveloppe. « Les fortes voire très fortes épaisseurs d’isolant sont aujourd’hui monnaie courante en toiture-terrasse », souligne Christophe Saby, de la direction technique de la société Smac. Une évolution qui a modifié quelque peu les pratiques avec, en premier lieu, le dimensionnement des charpentes en raison de l’augmentation du poids des isolants et donc des descentes de charge. « Si ces calculs sont bien connus des professionnels, il n’en reste pas moins que ce renforcement des structures augmente les coûts des ouvrages. D’autant plus qu’il faut, en outre intensifier à la fois les opérations de manutention et le nombre de fixations », rappelle le responsable technique, qui ajoute : « Pour alléger les procédés, il est désormais courant d’avoir recours à des isolants légers comme le polyisocyanurate (PIR) ou le polystyrène expansé (PSE). Mais pour des questions de respect de la réglementation incendie, ils sont souvent associés à des isolants peu combustibles, donc en laine minérale ou en perlite. » Résultats, les concepteurs se retrouvent face à une multitude de contraintes à gérer (thermiques, feu et financières), alors même que les bâtiments en acier sont originellement connus pour leur simplicité et leur caractère économique.

Suite logique

Face à ces procédés de plus en plus complexes et afin d’éviter les erreurs de conception, la Chambre syndicale française de l’étanchéité (CSFE) va publier au début de l’année 2020 ses Recommandations professionnelles n°8 sur l’ « isolation thermique et le traitement de la perméabilité à l’air des toitures avec étanchéité sur TAN ». Suite logique des RP n°4 « pour la  conception de l’isolation thermique des toitures-terrasses et toitures inclinées avec étanchéité » et n°7 « pour la conception de l’isolation thermique des toitures-terrasses et toitures inclinées avec étanchéité et élément porteur en maçonnerie », elles complètent la série de document dédiée à l’isolation. Avec le même objectif : « Les RP ont pour objet de définir les bonnes pratiques en matière de pose de l’isolation thermique en toiture avec étanchéité afin de satisfaire les exigences toujours croissantes en matière de performances thermiques des bâtiments tout en respectant les principes physiques fondamentaux liés notamment aux transferts thermiques et hygrométriques dans une paroi. » Avec une mention spéciale au traitement des points singuliers et plus spécifiquement des relevés d’étanchéité. Elle intègre également un chapitre consacré à la perméabilité à l’air.

Le texte reprend les grands principes décrits dans les précédentes RP et rappelle notamment les Règles de l’art et alternatives (règle des 2/3-1/3*) en matière d’isolation des parties courantes. Il apporte en revanche des solutions nouvelles en matière de traitement des relevés, liées aux nouvelles pratiques autour de ces ouvrages. « Il existe dans le NF DTU 43.3 des solutions traditionnelles d’isolation des costières qui ne visent que des procédés avec isolants supports d’étanchéité soudables, précise le document. Il apparaît nécessaire de présenter des solutions d’isolation répondant aux exigences actuelles avec les différents isolants usuellement mis en œuvre sur les toitures et plus particulièrement les solutions qui ne sont pas encore visées ni dans le NF DTU 43.3 ni dans leurs Documents techniques d’application (DTA). »

S’affranchir de la costière

Il s’agit notamment de la possibilité de s’affranchir de la costière métallique, qui déroge au principe de réalisation des reliefs du NF DTU 43.3 basé sur la dilatation possible entre la façade et la toiture. « Cette nouvelle configuration n’est admise que si les tôles reposent en périphérie sur un appui filant solidaire de la façade. L’objectif étant de solidariser les ouvrages afin d’éviter les mouvements différentiels. Le pont thermique inévitablement créé par la mise en œuvre d’une costière est ainsi supprimé », justifie Lise Boussert, déléguée technique de la CSFE. Pour pouvoir appliquer cette solution innovante, la façade doit impérativement être en béton / maçonnée ou à ossature bois.

Autre nouveauté introduite par les RP : la pose de l’isolant de partie courante en deux lits avec interposition du pare-vapeur, sous réserve du respect de la règle des 2/3-1/3. « C’est une solution intéressante particulièrement lorsqu’un traitement acoustique est nécessaire », ajoute Lise Boussert.

Enfin, le document dédie un chapitre à la nature des isolants applicables en relevé devant la costière et selon le matériau de la membrane d’étanchéité (bitumineuse ou synthétique) ou derrière la costière. Dans ce dernier cas, seule la laine minérale souple ou semi-rigide, de masse volumique inférieure ou égale à 55 kg/m3 est admise.

*Cette règle prévoit que le point de rosée se retrouve au-dessus du pare-vapeur pour les locaux à faible et moyenne hygrométrie hors zones très froides. Pour cela, l’isolation doit être répartie selon un ratio d’au minimum 2/3 de la résistance thermique totale au-dessus du pare-vapeur ou de l’élément porteur en l’absence de pare-vapeur, et 1/3 en-dessous. 

Des ponts thermiques calculés

Parallèlement à la rédaction des Règles professionnelles n°8 sur l’ « isolation thermique et le traitement de la perméabilité à l’air des toitures avec étanchéité sur TAN », afin de justifier thermiquement les solutions décrites, des calculs de ponts thermiques linéaires d’acrotères ont été effectués pour diverses configurations de toiture. Les valeurs correspondant aux solutions proposées y sont annexées.

Forte isolation : attention à la surchauffe de la membrane

L’augmentation des épaisseurs d’isolant conduit à une augmentation des températures en surface du procédé d’étanchéité. Or, les conséquences de cette surchauffe sont encore peu connues. « Qu’en sera-t-il des performances et de la durée de la vie de la membrane ? De plus, cela participe à l’augmentation des îlots de chaleur urbains », s’inquiète Denis Lehnen, directeur technique chez Soprema Entreprises. C’est pourquoi les industriels de l’étanchéité s’intéressent de plus en plus aux vertus des feuilles réfléchissantes et des toitures végétalisées qui réduisent considérablement ce choc thermique et protègent les membranes des UV.  

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