Le musée Soulages © Cédric Meravilles
Le musée Soulages a été conçu par RCR Arquitectes / Passelac et Roques Architectes à l’image des œuvres de l'artiste, diverses et homogènes à la fois.
Sanctuaires du savoir au 18e et 19e siècle, « boîtes à exposer » dans les années 1950-1960 puis œuvres d'art et médiatiques depuis la fin des années 1970, les musées ont été conçus selon des préceptes tranchés au cours de l'histoire.

Le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à Paris, le musée Cocteau à Menton et le musée Soulages à Rodez. Trois lieux d'exposition, trois architectures distinctes qui n'ont en commun que leur statut d'établissement recevant du public type Y au regard de la réglementation sur la sécurité incendie… Le travail autour de l'enveloppe est chaque fois différent, marquant l'ouvrage d'une identité forte et lui offrant presque le statut d'œuvre d'art accueillant des œuvres d'art. Ces conceptions sont également techniques et font appel à des matériaux et/ou des dispositions constructives spécifiques. Pourtant, la conception des musées n'a pas toujours été guidée par ces préoccupations.

En France, les premiers musées sont nés à la fin du 18e siècle. Les Lumières ont d'abord envisagé ces sites comme des outils donnant accès au savoir, à la formation et à la recherche. Ils étaient également destinés à embellir la ville. Cette vision du palais-musée se prolonge jusqu'à la fin du 19e siècle, et même jusque dans les années 1940. Comme l'explique le professeur d'arts plastiques Nicolas Nauze dans un article publié en mai 2008, « de 1900 à 1940, les musées se sont délibérément inscrits dans la tradition initiée par leurs aînés du 19e siècle et ont, la plupart du temps, conservé une physionomie calquée sur les modèles passés. La rhétorique néoclassique continua d'être mobilisée et les architectes dessinèrent des compositions amples, aux masses symétriques, fortement hiérarchisées, multipliant escaliers, portiques, colonnades… »

DEUXIÈME PARTIE DU 20e SIÈCLE

L'après-guerre marque la rupture avec cette tradition. L'architecture moderne mit un peu de temps à s'investir dans la conception des musées, perçus par ses partisans comme des institutions conservatrices. Le Corbusier et son musée en spirale à croissance illimitée (1930-1939) constitue la première expérience de ce que Nicolas Nauze résume comme « une machine à exposer », avec des volumes purs, immaculés, sans décoration ni ornement, « afin de permettre un véritable « face à face » entre le spectateur et l'œuvre d'art ». Le Centre Pompidou, édifié entre 1970 et 1977, représente une version tardive de ce parti pris.

Avec la fin des années 1970 arrive la deuxième mutation du mode de conception des musées qui perdure encore aujourd'hui. Désormais, ces établissements doivent à la fois non seulement remplir leur vocation culturelle mais également devenir des lieux d'activités : animations, expositions temporaires… De plus, « le domaine du « muséalisable » atteint un développement maximal, englobant potentiellement tous les aspects du réel », souligne le professeur d'arts plastiques. Peintures et sculptures ne sont plus les seuls sujets d'exposition. La dentelle, le chocolat, le jouet et même la voiture s'exposent désormais et trouvent un public de plus en plus en recherche de valorisation d'un patrimoine commun à un corps de métier, une région, un pays… Le développement des musées répond à cette demande. En outre, ces derniers deviennent, pour les pouvoirs publics, une des solutions aux problématiques économiques, d'aménagement mais surtout d'attractivité des territoires. Les architectes disposent d'une grande liberté de conception, abandonnant le modèle unique pour laisser la place à des bâtiments porteurs d'une image et une visibilité valorisantes. « Les nouveaux musées se sont emparés de l'ensemble des problématiques architecturales actuelles en fonction du contexte et des nécessités. Les architectures affichent un éclectisme déroutant. De fait, le monde des musées constitue un observatoire privilégié de la création contemporaine et de ses enjeux », rappelle Nicolas Nauze. Mais le contenant, avec ses enveloppes pensées elles-mêmes comme des œuvres d'art, ne risque-t-il pas alors de prendre le pas sur le contenu ? Le débat n'est pas tranché.