Entretien avec Marjolaine Meynier-Millefert, députée de la 10e circonscription de l’Isère, co-animatrice du Plan de rénovation énergétique des bâtiments et rapporteuse de la commission parlementaire du développement durable et de l’aménagement du territoire et présidente de l’association HQE-GBC.

Étanchéité.Info La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Quelle place tient le secteur du bâtiment pour remplir cet objectif ?

Marjolaine Meynier-Millefert Le bâtiment pèse lourd en la matière. Pour rappel, il constitue environ la moitié de la consommation d’énergie finale totale du pays et plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Sachant que le neuf représente 1 % du renouvellement du parc chaque année, c’est bien sur l’existant, et donc la rénovation énergétique, que les efforts doivent se concentrer. D’autant plus qu’elle évite l’artificialisation des sols. Depuis 2015, la problématique est prise en compte et cette priorité a été réaffirmée en 2019 avec notamment la loi Énergie Climat. La convention citoyenne pour le climat en a également fait un sujet majeur dans ses propositions et la loi Climat et résilience qui en découle confirme sa place centrale.

En parallèle, ces derniers mois, le pays a été confronté à deux crises majeures : les gilets jaunes d’abord puis, bien sûr, la pandémie. L’une comme l’autre ont révélé que la rénovation énergétique des bâtiments, et plus spécifiquement des logements, répondait à des enjeux environnementaux mais aussi sociaux, économiques et sanitaires.

E.I. C’est-à-dire ?

M. MM La rénovation énergétique, en réduisant les consommations des logements et donc les factures d’énergie, participe à réconcilier ceux qui luttent contre la fin du monde et ceux qui luttent pour améliorer la fin du mois. La crise sanitaire et ses multiples confinements ont, quant à eux, révélé l’importance du confort intérieur. Les ménages ont largement investi dans l’amélioration de leur chez-soi. D’où la forte reprise de l’activité économique dans le secteur du bâtiment et ce sur l’ensemble du territoire. Avec à la clé des emplois locaux et non délocalisables.

E.I. Rénover un logement coûte cher. Le remplacement du CITE par MaPrimeRénov’ porte-t-il ses fruits ?

M. MM Le CITE a surtout bénéficié aux tranches de la population les plus aisées et était surconsommé par certains gestes tels que le remplacement des menuiseries. Les effets d’aubaines étaient avérés. Il fallait donc rétablir un équilibre pour que les aides touchent également et même surtout les ménages modestes et que l’ensemble des postes nécessaires à l’amélioration énergétique des logements soit pris en compte de manière plus équilibrée. C’est notamment pourquoi le dispositif a été remplacé par MaPrimeRénov’ qui remporte aujourd’hui un franc succès. 800 000 dépôts de dossiers sont attendus d’ici la fin de l’année. Pour accompagner ce développement, l’Anah a d’ailleurs porté le budget prévisionnel alloué à MaPrimeRénov’ de 1,7 à 2,2 milliards d’euros en juin dernier. Pour les ménages les moins aisés, le cumul de l’ensemble des aides disponibles (MaPrimeRénov’, dispositif Habiter Mieux Sérénité de l’Anah, aides locales…) peut permettre de financer jusqu’à 85 % des travaux.

Rappelons également que la loi Climat et résilience prévoit également une refonte du prêt « avance mutation » qui devrait faciliter l’accès au crédit à tous les ménages.

E.I. Actuellement, le gain énergétique réalisé suite à ces opérations de rénovation est-il réel ?

M. MM L’enquête Tremi réalisée par l’Ademe entre 2014 et 2016 dans les maisons individuelles et publiée en 2018 avait révélé qu’une majorité des rénovations entreprises n’avait pas permis de faire de saut de classe énergétique. Cela a créé un électrochoc. Il faut vraiment aujourd’hui financer les rénovations qui comptent !

Pour changer d’échelle et aboutir à des rénovations performantes, la loi Climat et résilience définit cette notion en précisant notamment que les travaux doivent aboutir a minima à la classe C du nouveau Diagnostic de performance énergétique (DPE) et à un saut de deux classes au moins. C’est un progrès indéniable.

E.I. À terme, le niveau BBC est-il toujours visé ?

M. MM Effectivement. L’objectif est toujours d’atteindre en 2050 un parc BBC alors qu’aujourd’hui, 6 % sont concernés. On évalue à quelques 50 000 par an le nombre de rénovations BBC. Aussi, même si le rythme augmente de façon encourageante, il est encore trop faible. Il faudrait multiplier par 10 le nombre de rénovations globales. Pour remplir nos objectifs, il ne nous reste finalement que deux manières de procéder : le BBC en une seule et même opération ou le BBC par étapes coordonnées, en hiérarchisant les différentes interventions de manière à garantir leur efficacité dans leurs interactions les unes avec les autres. Pour que cela fonctionne, il faut accompagner les ménages dans la définition de leur parcours de rénovation énergétique et les amener à se poser les bonnes questions. C’est notamment le rôle de la plateforme Faire et de ses conseillers qui couvrent aujourd’hui pratiquement tout le territoire. Le but est que dans chaque canton, les ménages puissent identifier qui pourra les accompagner dans leur opération. Les entreprises et artisans ont aussi un rôle à jouer de par leur proximité avec leurs clients.

En parallèle, il faut anticiper un éventuel changement de propriétaire pour que l’acquéreur puisse poursuivre le plan de rénovation défini en amont par ses prédécesseurs. C’est pourquoi les pouvoirs publics vont lancer en janvier 2022 le carnet d’information du logement, en remplacement du carnet numérique d’information, de suivi et d’entretien du logement inscrit dans la loi Elan de 2015. Il permettra de savoir ce qui a d’ores et déjà été réalisé et ce qui doit encore l’être pour atteindre un niveau de performance suffisant.

Enfin, dans certains cas, le recours à l’obligation s’impose. C’est le cas pour les bailleurs de passoires thermiques : ils devront rénover leurs biens en étiquette DPE G pour pouvoir les louer. Puis ce sera le tour des F puis E etc. On peut imaginer que les objectifs seront de plus en plus contraignants au fur et à mesure que les années passeront. La lutte contre les passoires thermiques ne risque pas de faiblir car il s’agit ici non seulement d’un impératif lié à la transition écologique et à l’adaptation face aux changements climatiques mais c’est également une question de décence et de justice sociale. Mais pour que ce soit acceptable, il faut que les résultats soient vraiment au rendez-vous !

E.I. Quel rôle prend la filière bâtiment dans cette dynamique ?

M. MM La demande explose mais pas le nombre de professionnels qui peuvent y répondre. Rappelons que le versement de MaPrimeRénov’ et des autres aides est conditionné à la qualification RGE des entreprises réalisant les travaux. Il faut donc accompagner les acteurs du secteur pour qu’ils intègrent le dispositif. C’est notamment pourquoi a été lancée il y a quelques mois l’expérimentation d’une qualification RGE « chantier par chantier ». Le recrutement, la formation, le recours aux outils numériques sont également des étapes nécessaires pour à la fois monter en compétences et gagner en productivité. Cette structuration de la filière permettra de lui éviter de se faire doubler par les éco délinquants qui profitent du système. l

Marjolaine Meynier-Millefert, nouvelle présidente de l’association HQE-GBC

Depuis mars dernier, Marjolaine Meynier-Millefert est présidente de l’association HQE-GBC. L’organisme réunit syndicats, fédérations professionnelles, sociétés, collectivités et professionnels à titre individuel. Sa mission : piloter les travaux d’innovations collaboratives et prospectives pour la conception et la construction durable du bâtiment et de la ville de demain. « L’approche de l’association est transversale. Elle inclut la performance énergétique des bâtiments, des quartiers et des territoires mais également la qualité de vie, la santé, l’environnement… », explique la nouvelle présidente.

Parmi les premières actions de son mandat : la mise en place d’un conseil scientifique et prospectif intégrant des experts du bâtiment et d’ailleurs, « afin d’élargir notre regard ».

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