
En 2017, environ 16 000 maisons avec toit-terrasse sont sorties de terre mais les perspectives pour 2018 sont envisagées à la baisse.
Longtemps réservé aux demeures d'exception dessinées par des architectes, le toit plat dans la maison individuelle (MI) se démocratise depuis une petite dizaine d'années. Pour preuve, tous les constructeurs, qui détiennent plus de 60 % du marché (voir graphique), les proposent aujourd'hui dans leurs catalogues. « Ces offres ont été développées suite à des demandes de clients », explique Emmanuel Corroy, directeur des achats pour le groupe Babeau Séguin. La motivation des acquéreurs est avant tout esthétique, en lien avec le souhait de s'offrir une « maison d'architecte » sans en avoir forcément les moyens. Pour les conforter dans leur choix, les constructeurs valorisent ces types de modèles en leur attribuant des qualificatifs tels que « moderne », « contemporain » ou « architectural ». « Il constitue même parfois un produit d'appel pour attirer les acheteurs , souligne Jean-Pierre Zoonekynd, responsable marché CMI pour Soprema. Les constructeurs les mettent en avant pour ensuite revaloriser économiquement la toiture en pente dont le process de construction est plus habituel et donc standardisé pour leurs entreprises. » « Si nous ne disposons pas de gamme dédiée, le toit plat est disponible pour nos modèles de plain-pied ou en comble perdu », souligne Noël Martin, responsable des achats chez Maisons Pierre. Une démarche partagée par le groupe Maisons France Confort : « Nous adaptons le produit en fonction du choix des clients et de leur capacité financière. La question de la forme de la toiture est régulièrement abordée », ajoute Hervé Chavet son directeur technique et R&D. Celle-ci pouvant d'ailleurs mixer terrasse et pente.
UN MARCHÉ DE NICHE
Dans les faits, la maison à toit plat chez les constructeurs relève plus souvent de l'option que du modèle standard. Il faut dire qu'elle reste, malgré tout, un marché de niche. Elle représenterait en moyenne 15 % des ventes totales de logements individuels en secteur diffus (toiture plate ou mixte) sur un total de 135 000 en 2017, selon le cabinet d'études Caron Marketing, spécialisé sur le marché de la maison individuelle. « Si l'on y soustrait les annulations de ventes, ce ne sont plus que 105 000 maisons qui sont construites », nuance Myriam Herpin, chargée d'études au sein de l'entreprise. Dans les faits, ce ne sont donc pas 20 000 mais moins de 16 000 maisons à toit plat qui auraient été édifiées l'année dernière. Avec de grandes diversités selon les régions. La Bretagne remporte la palme du nombre de commandes de toitures-terrasses, suivie par l'est de la France. « En Île-de-France, en revanche, nous en vendons très peu, précise Noël Martin . Sur 1 500 transactions annuelles dans la région, seules trois ou quatre maisons sont équipées d'un toit plat. » Difficile d'expliquer cette répartition. « L 'ardoise, matériau traditionnellement mis en œuvre sur les toitures bretonnes, coûte cher , avance prudemment Jean-Jacques Barreau, consultant technique des Constructeurs et Aménageurs de la Fédération Française du Bâtiment (LCA-FFB). La toiture-terrasse peut alors constituer une alternative intéressante. » Les perspectives pour les mois à venir ne sont pas bonnes. Les chiffres du marché de la maison individuelle sont certes remontés depuis les années noires 2008-2014. Mais selon LCA-FFB « pour le cinquième mois consécutif, la commercialisation de maisons individuelles neuves en secteur diffus affiche une chute à deux chiffres, avec - 18,7 % en mars (par rapport à mars 2017) ». En glissement annuel, l'évolution des ventes à fin mars a baissé de 6,4 % sur les douze derniers mois. Pour ses acteurs, cette dégringolade du marché découle avant tout de la réduction du prêt à taux zéro en zones B2 et C (respectivement considérées comme moyennement et faiblement tendues) et de la suppression de l'APL Accession depuis le 1er janvier 2018. Sans ces aides, faire construire peut devenir difficile pour les ménages. Citons également les mauvais chiffres de la maison à ossature bois, pourvoyeuse importante de toitures-terrasses. En 2016, sa part dans le marché de la MI est tombée à 8,7 %, contre 10,6 % en 2014.
Cette conjoncture n'est pas favorable au développement du toit plat. Moins prisé du point de vue esthétique, il peut également se heurter au refus des PLU, voire des Architectes des bâtiments de France (ABF). Surtout, il coûte généralement plus cher comparativement au système constructif standardisé des constructeurs. Or, quand les budgets sont serrés, le poste peut passer à la trappe. Il arrive que des acheteurs envisagent l'acquisition d'une maison moderne avec terrasse et repartent avec une toiture classique pour respecter leur enveloppe de départ. Ou parce qu'ils lui préfèrent, pour le même prix, une chambre supplémentaire.
LES ÉTANCHEURS PEU INVESTIS
La toiture-terrasse souffre également d'une mauvaise réputation. La peur de la fuite en réfrène plus d'uns. Cette réticence révèle un paradoxe : les étancheurs, professionnels compétents pour réaliser ces ouvrages, sont peu présents sur ce marché. Souvent considérés comme trop chers par les constructeurs, ces derniers font souvent appel à des couvreurs ayant suivi des formations spécifiques dispensées notamment par les industriels de l'étanchéité. De leur côté, les étancheurs ne considèrent généralement pas les chantiers de la maison individuelle comme rentables : les demandes sont faibles, les surfaces petites et les lieux d'intervention souvent isolés. Néanmoins d'un côté comme de l'autre, les mentalités évoluent. Certaines entreprises d'étanchéité ont même fait de la maison individuelle une de leurs spécialités. Dans certaines régions en tous cas. Dans l'ouest de la France, par exemple, le contexte est plus favorable qu'en Île-de-France ou dans le nord. La région est l'une des plus friandes en MI et la toiture-terrasse y connaît un succès certain. Un constat qui a motivé Gérard Bouron pour créer, en 2005, Vendée Etanchéité à Beaurepaire (85) en co-gérance. « À l'époque, nous avons tout d'abord été motivés par le fort développement de la maison à ossature bois et du marché de l'extension, explique-t-il. Puis petit à petit, nous avons démarché les constructeurs et enfin les architectes. » Les surfaces réalisées varient de 5 m² à 200 m². « Contrairement au secteur des bâtiments industriels, le monde de la maison individuelle n'a pas de règles du jeu bien établies. L'environnement est beaucoup plus artisanal. Le relationnel est très important : les constructeurs travaillent généralement toujours avec les mêmes entreprises. » Aujourd'hui, l'entreprise est bien implantée dans son secteur et les carnets de commande sont pleins. « Les étancheurs disposent d'un savoir-faire qui mérite d'être valorisé sur ce marché », affirme Gérard Bouron. Le discours est entendu par les constructeurs. Chez Babeau-Séguin par exemple, « nous travaillons avec des professionnels de l'étanchéité pour éviter les déboires avec d'autres corps d'état », reconnaît Emmanuel Corroy.
« Contrairement au secteur des bâtiments industriels, le monde de la maison individuelle n'a pas de règles du jeu bien établies, l'environnement est beaucoup plus artisanal. »
Sur chantier, lorsque l'élément porteur est maçonné, les membranes bitumineuses dominent. « Quand il est en bois ou en acier, dispositions constructives majoritaires sur le marché, on leur préfère le PVC plus léger », explique le co-gérant de Vendée Étanchéité. « En excluant le chalumeau à gaz et donc la flamme vive, le mode de pose est plus adapté aux ouvrages intégrant du bois », ajoute Frédéric Girard, directeur général adjoint chez Sika France. La conception des procédés est classique aux toitures-terrasses inaccessibles. En maison individuelle, l'aménagement des toits plats reste anecdotique et réservé aux budgets conséquents. « Sur cinq ans, deux clients ont inscrit la toiture-terrasse végétalisée dans leur cahier des charges. L'accessibilité des ouvrages est un peu plus courante mais ne concerne que les très gros projets car elle coûte cher et est soumise à des règles de sécurité strictes », confirme Emmanuel Corroy. Du haut de gamme donc, un domaine généralement réservé aux architectes.
LE SUR-MESURE DES ARCHITECTES
Ces derniers, qui détiennent tout de même 18 % du marché de la MI (voir graphique),restent en effet les garants du sur-mesure et se positionnent sur les projets aux budgets élevés. Là encore, pour l'acquéreur, le choix de la toiture-terrasse demeure avant tout esthétique. Mais le surcoût est plus facilement absorbé par les enveloppes disponibles. La toiture-terrasse est donc plus fréquemment mise en œuvre. D'autant plus que, « dans le nord de la France, région sur laquelle nous intervenons, les maisons traditionnelles disposent de toitures avec charpente en bois raboté plus onéreuse qu'une toiture-terrasse classique. En revanche, si le client souhaite donner une fonction à sa terrasse, là, le budget explose car les procédés sont plus complexes et élaborés. L'accessibilité par exemple implique la mise en œuvre de dalles sur plots en bois et de garde-corps adaptés », souligne Sébastien Prouvost, architecte au sein de l'agence Pouwels AB.
COLLABORATIONS
Les frontières entre les deux métiers ne sont pas si fermées comme le montre la création il y a 30 ans du groupement « les Architecteurs » qui combinent les deux casquettes (voir interview). En parallèle, certains constructeurs se sont associés avec des architectes pour la conception de produits bien spécifiques alliant performance énergétique et esthétique contemporaine. Chez Maisons France Confort, par exemple, ce partenariat a abouti au concept MFC 2020, « maison à énergie positive au style architectural novateur », décrit le groupe. Même travail avec la maison Yrys, signée Coste Architecture, qui allie confort des occupants, évolutivité de l'habitat et empreinte environnementale raisonnée. Ces collaborations font également appel aux industriels. La maison Yrys par exemple associe, entre autres, Isover pour les produits d'isolation et Soprema pour son procédé photovoltaïque Soprasolar Duo mis en œuvre en toiture. « Yrys est avant tout une « concept house » qui n'a pas vocation à être vendue. Elle nous permet de tester plusieurs innovations. Certaines seront introduites dans de futurs modèles, d'autres seront abandonnées ou retravaillées avec les industriels », explique Cécile Thureau, chargée de communication pour le groupe.
« Les « concept houses » n'ont pas vocation à être vendues, elles permettent de tester plusieurs innovations qui seront ensuite conservées, abandonnées ou retravaillées. »
ANTICIPER LA FUTURE RÉGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE
Les clients sont certes sensibles aux performances énergétiques de leur logement en raison du confort de vie qu'elles apportent aux habitants. « Selon nos études, 66 % des ménages le citent comme l'une des raisons principales les ayant motivés pour faire construire », précise Myriam Herpin, chargée d'études au sein de Caron Marketing. Mais les maisons neuves sont déjà soumises à la RT 2012. Aller plus loin est encore prématuré pour les acquéreurs. Pour les constructeurs, ces « concept houses » permettent surtout d'anticiper la future réglementation environnementale prévue pour 2020. Et constituent avant tout des produits vitrines.
Le marché de l'extention : un débouché pour le toit-terrasse
Face aux difficultés pour constituer une enveloppe budgétaire suffisante à la construction d’une nouvelle maison notamment en raison d’un prix du foncier élevé, de plus en plus de particuliers déjà propriétaires d’un logement individuel se tournent vers l’extension de leur bien actuel. « Ce marché est en croissance », précise Jean-Pierre Zoonekynd. L’ajout d’un garage ou d’une pièce accolé au bâtiment principal fait la part belle à la toiture-terrasse. « L’intégration de ces ouvrages à l’existant est plus facile que s’ils présentaient des pignons », précise Jean-Jacques Barreau, consultant technique de LCA-FFB.
Le contrat de construction
Les prestations proposées par les constructeurs et par les architectes sont encadrées par des contrats de nature différente, destinés à garantir la sécurité juridique des maîtres d'ouvrage. Les constructeurs concluent avec leur client un « contrat de construction de maison individuelle » (CCMI) qui les engage notamment à livrer la construction dans les délais et au prix convenus au contrat. Ces clauses n'existent pas dans le contrat signé avec un architecte. Dans ce cas, librement négocié entre les deux parties, il précise ce qui est pris en charge, ou pas, par l'architecte : conception des plans, établissement des devis, appels d'offres auprès des entreprises…
Trois questions à Sébastien Prouvost, architecte au sein de l'agence Pouwels AB
ETANCHÉITÉ.INFO Quelle place tient la toiture-terrasse dans vos réalisations de maisons individuelles ?
SÉBASTIEN PROUVOST La demande des clients est forte et les maisons à toit plat représentent près de 70 % de nos réalisations. L'aspect contemporain séduit et l'effet de mode est évident. Mais il y a également une raison plus conjoncturelle. En effet, cette tendance est apparue il y a un peu plus de 10 ans avec l'arrivée des certifications BBC. L'idée que les ouvrages cubiques étaient plus faciles à isoler que les maisons à toit en pente et que la pose de panneaux photovoltaïques était plus aisée et plus discrète, a poussé les mairies, très attachées aux architectures traditionnelles, à lâcher du lest sur la toiture-terrasse, parfois en contrepartie d'une végétalisation.
En parallèle, les clients apprécient l'esthétique mais aussi les pièces cubiques, plus faciles à meubler, ce que ne permettent pas toujours les toits en pente, notamment en étage.
E.I. Votre agence fait partie du réseau « les Architecteurs ». Vous considérez-vous comme des architectes-constructeurs ?
S.P. Comme la centaine de sociétés qui compose le réseau, nous proposons en effet l'ensemble de ces services. Comme les architectes, nous ne réalisons que du sur-mesure. Comme les constructeurs, nous signons des contrats de construction de maison individuelle (CCMI) avec nos clients. Ces derniers disposent donc de tous les avantages.
E.I. Les budgets alloués par les acquéreurs qui font appel à vos services sont-ils plus élevés que ceux sollicitant les constructeurs ?
S.P. Les clients qui font appel à nous ont effectivement des budgets importants. Il est rare qu'ils se situent en deçà de 250 000 euros, pour des surfaces dépassant 160 m2.
Les clients plutôt satisfaits des prestations des constructeurs
Comment les ménages choisissent-ils leur constructeur ? Comment jugent-ils la qualité des prestations réalisées ? Pour répondre à ces questions et mieux connaître ce marché, Céquami (filiale de l'association Qualitel) réalise chaque année le baromètre de « la satisfaction clients construction maison individuelle ». L'édition 2018 a été dévoilée en mai dernier. On apprend ainsi que le choix d'un constructeur se fait avant tout par le bouche à oreille (24 % des personnes interrogées), suivi par Internet (20 %) et la recommandation (18 %). La prise de décision par les ménages se fait en fonction du prix et de la qualité de la maison proposée (22 %), la proximité géographique du constructeur (21 %) et la notoriété de la marque (17 %).
Ces chiffres résultent d'une enquête réalisée auprès de 1 978 familles interrogées trois mois après la réception de leur bien. 90 % d'entre elles sont satisfaites de leur nouveau logement et 83 % estiment que les rapports qualité-prix sont bons, tout comme les délais de livraison (77 %).
Profil type de la MI et de ses acquéreurs en 2017
- Age moyen de l'acheteur : 45 ans
- Prix moyen de la maison (TTC, hors foncier) : 177 300 euros
- Surface moyenne de la maison : 118 m2
- Prix moyen du terrain : 82 900 euros
- Surface moyenne du terrain : 1 060 m2
- Part des constructions de maisons en zones B2 et C : 71 %
(source : Markemétron décembre 2017, Caron Marketing)
Qui construit les maisons individuelles ?
Les recours à un architecte obligatoire à partir de 150 m² SHON
Le rôle des architectes dans la conception de maisons individuelles a été réaffirmé depuis le 1er mars 2017. Afin de favoriser la création architecturale, le décret n°2016-1738, pris en application de l'article 82 de la loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, a abaissé de 170 m2 à 150 m2 le seuil de la surface de plancher au-delà duquel les personnes physiques sont tenues de recourir à un architecte lorsqu'elles édifient ou modifient des constructions. Si finalement, il ne s'agit que d'un retour à ce qui se faisait avant 2012 et l'adoption de la notion SHON dans le calcul des surfaces à déclarer, l'affaire est mauvaise pour les constructeurs. Ils lui opposent le risque de surcoût pour le client. Faux, répondent les architectes qui, eux, mettent en avant la qualité architecturale de leurs ouvrages et leur connaissance des entreprises de réalisation pour négocier des tarifs au plus juste en fonction des budgets et des souhaits du client.
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