
Penser le bâtiment à l’échelle de son quartier pour concevoir des opérations de rénovation efficientes thermiquement mais aussi destinées à améliorer le cadre de vie et valoriser le patrimoine. Ce postulat est actuellement développé par le groupe de travail du programme Opération de requalification architecturale, environnementale et urbaine (OPERAEU) du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH), piloté par l’architecte François Pélegrin.
Etanchéité.Info Vous pilotez le groupe de travail du programme Opération de requalification architecturale, environnementale et urbaine (OPERAEU) du Club de l’amélioration de l’habitat (CAH). En quoi consiste-t-il ?
François Pélegrin Je milite depuis plusieurs années pour chasser l’expression « rénovation thermique par immeuble » pour la remplacer par « requalification globale d’un îlot ». Il s’agit d’embarquer dans les opérations de rénovation non seulement la thermique en termes de performance mais aussi de confort, la qualité de l’air, la sécurité, la valorisation du patrimoine. Ces arguments sont beaucoup plus motivants pour des propriétaires que les seules économies d’énergie. Concevoir ces opérations à l’échelle de l’îlot nous apparaît également comme beaucoup plus pertinent car elle ouvre la voie à des leviers forts comme la mutualisation et la massification. Avec au final des économies conséquentes. Nous avons calculé que, sans qu’aucune entreprise ne touche à sa marge, le coût du projet pourrait être réduit de 10 à 15 %.
L’idée, proposée il y a plus de 5 ans, n’a pas suscité d’enthousiasme au début. Elle convainc aujourd’hui comme le montrent les programmes Actions cœur de ville et Petites villes de demain. En effet, les confinements ont montré l’intérêt que présentaient les communes à taille humaine. À son tour le CAH s’est lancé dans l’aventure en mettant en place ce groupe de travail.
E.I. Quels modes d’action allez-vous mettre en place ?
F.P. Nous avons établi notre feuille de route et rédigé « 10 recommandations pour revitaliser et ré-enchanter les centres urbains et périurbains ». Elles devraient être déclinées en charte à signer pour chaque projet. La première est évidemment « changer de maille pour revitaliser la ville et sa périphérie », c’est-à-dire, considérer le bâtiment comme une pièce du puzzle îlot. Pour cela, il faut créer une dynamique non seulement entre les professionnels mais en embarquant également les usagers de cet îlot : les habitants, les commerçants, les salariés des bureaux… Pour obtenir cette adhésion, nous envisageons d’organiser un « concours de motivation », dont les critères restent encore à définir. Cinq ou six îlots seront identifiés dans une ville et le site ayant montré le plus d’envie sera le premier sur le planning des programmes et bénéficiera de budgets communaux spécifiques. En effet, l’adhésion de tous est nécessaire. Un projet réussi est un projet qui a été concerté puis adopté.
E.I. Le nombre et la diversité des acteurs impliqués sont importants. Comment se faire comprendre de tous ?
F.P. Il faut inventer de nouveaux modes de gouvernance pour articuler le dialogue. L’objectif est ambitieux car la requalification globale d’un îlot implique d’intégrer l’intérêt collectif dans un espace privé. Certaines copropriétés, par exemple, devront accepter une gouvernance collégiale. Autant dire que ce n’est pas gagné. Sans oublier évidemment l’angle financier. Notre groupe de travail va consulter notaires, juristes et avocats pour développer des solutions innovantes d’ingénierie juridico-financière.
E.I. Les démarches sont complexes. Certains acteurs en présence risquent de s’y perdre…
F.P. D’où l’importance de les accompagner, de définir avec eux (et les autres), un programme d’actions partagées. Pour en faciliter la compréhension, la modélisation 3D et la réalité virtuelle constituent de bons outils.
E.I. Le recours aux outils numériques est très présent dans vos travaux. Pourquoi ?
F.P. Ils permettent de rendre un projet intelligible par tous et de travailler en mode collaboratif tout au long de la chaîne. Nous sommes d’ailleurs en train de développer le concept de « Quartier intelligent modélisé » (QIM). Il se positionne entre le BIM pour le bâtiment et le City information modeling (CIM) pour la ville. L’outil n’existe pas encore mais la technologie est connue. Il participera au développement de la méthode « Coût, qualité, fiabilité, délai » (CQFD) pour identifier les économies d’échelle entre les intervenants sur chantier, améliorer la qualité et donc de réduire les coûts et les délais. Il peut s’agit par exemple de la modélisation dès l’amont de la gestion des flux d’approvisionnement ou encore de la dématérialisation des permis de construire. Enfin, il permettra de stocker toutes les informations rattachées à l’îlot pour, à terme, réaliser de la gestion prédictive de la ville.
E.I. Les toitures-terrasses devraient avoir un rôle à jouer…
F.P. Elles vont évidemment participer à ces requalifications de l’espace urbain. Ces dernières consisteront d’ailleurs surtout, selon les réalités du terrain et des besoins, à dédensifier ou redensifier la ville. Cela passera par la création de pistes cyclables ou d’espaces verts au sol mais aussi par la surélévation et l’exploitation des toitures-terrasses pour la gestion des eaux pluviales, la production d’énergie mutualisée…
E.I. Où en sont vos travaux à ce jour ?
F.P. Outre la rédaction de la charte, nous nous attelons à la mise en place d’un démonstrateur virtuel permettant d’aborder tout le déroulement d’un projet. Puis l’appliquer à 3 ou 4 îlots tests avant de déployer OPERAEU sur tout le territoire.
Il nous faut aussi encore résoudre la problématique du financement de ces études. Vu tous les milliards annoncés dans le plan de relance et le fait que la rénovation du parc construit et la revitalisation des centres bourg sont devenue priorité nationale, nous devrions bien trouver les moyens de ces nécessaires expérimentations.
Le Club de l’amélioration de l’habitat
Association loi 1901, le Club de l’amélioration de l’habitat (CAH) regroupe des acteurs publics et privés de la filière entretien-rénovation du parc résidentiel privé. Il compte une soixantaine de membres de tous les acteurs de la construction : organismes d’État, fédérations professionnelles, entreprises du bâtiment, maîtres d’œuvre, négoces, industriels, assureurs, contrôleurs techniques et établissements bancaires… Son groupe de travail du programme Opération de requalification architecturale, environnementale et urbaine (OPERAEU) est composé de Jean-Pierre Chirat, Olivier Halpern et Caroline Rotman, respectivement directeur général du CAH, ingénieur consultant et responsable communication et administration au sein de l’organisme, et les architectes Dominique Jouffroy et François Pélegrin (UNSFA).
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