
Depuis le Grenelle de l’environnement en 2007, les gouvernements successifs ont tous désigné la massification de la rénovation énergétique des bâtiments comme une priorité. Récemment dévoilés, le Plan de relance et le projet de loi de finances (PLF) 2021 l’ont encore rappelé : la rénovation énergétique, et particulièrement celle des ouvrages d’habitation, doit être accélérée. On est encore loin de l’objectif de 500 000 logements rénovés par an ou de la réduction de 15 % de la consommation énergétique finale des bâtiments à l’horizon 2023 par rapport à 2010 (Plan climat). Il faut dire que le secteur présente des natures d’ouvrages variées (maisons individuelles ou habitations collectives) mais aussi des maîtres d’ouvrage divers, professionnels avertis ou novices en la matière : bailleur social ou privé, propriétaire occupant... Impossible donc d’établir une règle commune et force est de constater que, selon les cibles, les solutions jusque-là mises en place n’ont pas toutes été efficaces.
Cette année, aux urgences climatiques et sociales se sont ajoutées les crises sanitaires et économiques. Pour répondre à ces enjeux inédits, le gouvernement a désigné la transition écologique comme fer de lance de son budget pour l’année à venir. La rénovation énergétique en sera une priorité. Le PLF 2021 consacre ainsi un budget de 16,2 milliards d’euros à la transition écologique dans le bâtiment dont 6,6 milliards d’euros prévus par le Plan de relance dédiés à la rénovation énergétique des logements. Ils sont notamment destinés aux maîtres d’ouvrage les plus fragiles : les ménages propriétaires. Le montant des aides financières attribuées, déployées via le nouveau dispositif MaPrimeRénov’ en vigueur depuis le 1er octobre dernier, s’élèvera en 2021 à 1,7 milliard d’euros (budget 2020 maintenu soit 740 millions d'euros + 1 milliard du Plan de relance, renouvelable en 2022). Contrairement à ce qui était prévu au départ, elle est finalement accessible à toutes les catégories de revenus ainsi qu’aux copropriétés et aux propriétaires bailleurs.
Maîtrise d’ouvrage
Au sein des différentes typologies de logements concernés par le dispositif, la copropriété tient une place particulière. Non seulement par ce qu’elle représente 30 % du parc français (voir encadré) dont 60 % date d’avant 1975 mais aussi parce que cette maîtrise d’ouvrage « est constituée d’une somme d’individus aux niveaux de revenus différents, aux attentes parfois divergentes. De plus, la réalisation de travaux lourds peut être anxiogène car longue et coûteuse », a expliqué Laurence Henry-Warot, directrice de l’Association des copropriétés Rhône-Alpes, lors d’une conférence de presse*. Pas facile de mettre tout le monde d’accord. Les délais de décision sont très longs non seulement car il faut convaincre tout le monde mais aussi parce que les Assemblées générales (AG) ne se tiennent qu’une fois l’an (voir encadré). Résultat, les projets, notamment de grande ampleur n’aboutissent qu’au bout de plusieurs années, quand ils aboutissent. Pour faire pencher la balance, il faut généralement qu’ « ils soient portés par un copropriétaire ou un groupe de propriétaires moteurs, capable d’entraîner les autres avec lui », souligne Alexandre Nicourt, responsable des activités conseil et accompagnement au sein de l'Agence parisienne du climat (APC).
Car pour arriver au bout, il faut franchir plusieurs étapes. Et c’est ce travail en amont qui, s’il est bien préparé, aboutit pour les propriétaires à la réalisation de travaux efficaces avec des gains sur la facture mais aussi sur le confort et la valorisation du patrimoine. Le tout en limitant la note au maximum grâce aux différents systèmes de soutien financier disponibles, nationaux mais aussi locaux. Le concept est séduisant sur le papier mais effrayant pour des copropriétaires qui ne connaissent généralement pas grand-chose ni à ces procédures ni au bâtiment et ses enjeux. D’où la fréquence des travaux de ravalement de façade ou de changements de chaudière qui s’arrêtent là alors même que l’occasion de pousser la démarche pouvait être saisie. Certes il existe une obligation légale d’intégrer une dimension énergétique à ces types de travaux (décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d'isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d'aménagement de locaux en vue de les rendre habitables) mais « les dérogations permettent souvent de l’éviter », souligne Olivier Perchet, dirigeant du bureau d’études Enera Conseil.
Pourtant, les projets de rénovation énergétique sont efficients s’ils sont globaux, c’est-à-dire s’ils considèrent le bâtiment et ses déperditions énergétiques comme un tout, chaque poste ayant une incidence sur un autre. Une forte isolation par exemple nécessite une bonne ventilation ainsi qu’un système de chauffage adapté et bien réglé, sans quoi le confort et même l’intégrité du bâti pourraient être menacés. De même, un changement de fenêtres sans isolation des murs n’est pas suffisamment efficace sur les déperditions énergétiques. Evidemment, tout ceci à un coût de départ important - « Il faut compter dans la plupart des cas entre 15 000 et 35 000 euros par logement pour une opération de rénovation globale », précise l’architecte François Pélegrin - avec un temps long de retour sur investissement.
Assistance à maîtrise d’ouvrage
D’où la nécessité de se faire aider. Et là, heureusement, les copropriétaires ne sont pas seuls et il leur est d’ailleurs fortement recommandé de faire appel à des organismes spécialisés pour se faire accompagner sur tout ou partie de leurs démarches. Il peut s’agir de bureaux d’études, de structures publiques, d’associations… (voir encadré) « Nous sommes sollicités par les syndics de copropriété généralement pour la réalisation d’audits énergétiques globaux. Ces derniers étant souvent eux-mêmes déclenchés par un désordre survenu dans les parties communes. Nous en déduisons une liste de préconisations sur le bâti et les systèmes qui aboutiraient à une amélioration de la performance énergétique de l’immeuble », explique Olivier Perchet. « Avec un prix compris entre 80 et 200 euros par logement, cet audit aux dimensions thermiques, architecturales et économiques, présente l’avantage d’avoir un coût acceptable pour les propriétaires. Il constitue également la porte d’entrée à des réflexions plus larges », confirme Raphaël Claustre, directeur général d’Île-de-France Energies, entreprise spécialisée dans l’accompagnement tout au long du parcours d’une opération de rénovation énergétique. Les différents scenarii sont chiffrés et présentés en AG. Le principe de lancer l’un d’eux, avec ou sans amendement, est voté. Place alors à la maîtrise d’œuvre, qui peut être le même organisme que celui ayant réalisé l’audit. L’heure est à la définition précise des opérations à mener, avec notamment le choix des entreprises intervenantes, l’établissement du budget global et la recherche des aides et subventions auxquels chaque ménage mais aussi la copropriété peut prétendre, en fonction de ses revenus. Tous auront donc une idée précise de combien cela leur coûtera par mois et pendant combien de temps. L’argent étant bien souvent le nerf de la guerre, l’ingénierie financière joue un rôle clé et peut faire pencher la balance.
« Tout au long de cette étape, nous devons nous montrer pédagogues, expliquer quels sont les systèmes constructifs et les équipements les plus efficaces dans la configuration de la copropriété, proposer différentes possibilités esthétiques… », souligne Olivier Perchet.
Les travaux peuvent enfin être validés et votés. « Ce parcours dure plusieurs années. Les AG se tenant une fois par an, chaque retard reporte de plusieurs mois les prises de décision et le lancement effectif des différentes actions », rappelle Alexandre Nicourt de l’APC. A l’image de la copropriété de la barre Saint-Just à Rennes, actuellement en cours de travaux : les premiers échanges ont débuté en 2017. Les travaux s’achèveront en 2022.
MaPrimeRénov’
L’arrivée de MaPrimeRénov’ motivera-t-elle plus de copropriétés et copropriétaires à se lancer ? Car, comme l’a rappelé Karine Bidart, directrice générale de l’APC lors des 24 h du climat qui se sont tenus les 17 et 18 septembre dernier : « Pour atteindre les engagements de l’Etat, il faudrait augmenter le rythme de rénovation des copropriétés par dix. » Depuis les dernières annonces, ce sont souvent les affaires mises en attente en raison de la crise sanitaire qui reprennent. L'annonce récente du confinement pourrait stopper la tendance car les AG ne peuvent plus se tenir en physique. « Difficile donc encore de se prononcer », rappellent les professionnels du secteur qui s’accordent à dire que la simplification des dispositifs ainsi que l’intégration des ménages aisés est une bonne chose.
*Conférence de presse organisée par la Copro des Possibles, programme de mobilisation et d’accompagnement des copropriétés dans leurs démarches de travaux de rénovation énergétique, le 10 septembre dernier.
Se faire accompagner
Accompagner les copropriétaires sur tout ou partie du parcours de rénovation énergétique, expliquer, proposer, définir un financement, sélectionner les entreprises… Cette mission de tiers de confiance, souvent clé pour réussir un projet de rénovation énergétique en copropriété, plusieurs organismes la remplissent. Le gouvernement tout d’abord qui, avec l’Ademe, l’Anah et l’Anil*, a lancé en 2018 le programme « Faire », service d’information et de conseil sur la rénovation énergétique de l’habitat. Il s’appuie notamment sur l’Agence parisienne du climat (APC) qui « délivre des conseils gratuits et indépendants en amont des opérations de rénovation jusqu’à la désignation d’un maître d’œuvre. Nous restons présents en tant que tiers de confiance si nécessaire », précise Frédéric Delhommeau, son directeur de l’habitat et de la rénovation. Une activité déclinée également sur la plateforme Coachcopro, mise à disposition des copropriétés pour initier leurs démarches de rénovation et entreprendre leurs futurs projets dans toute la France. Des bureaux d’étude comme le BET Enera Conseil ou Île-de-France Energie peuvent également exercer cette fonction. La Copro des Possibles, programme CEE de mobilisation des copropriétés et des syndics aux économies d'énergie, s’attache quant à elle à sensibiliser les copropriétaires et les syndics à la nécessité d’entreprendre des travaux de rénovation énergétique globaux. Pour cela, elle propose notamment des formations et des réunions d’informations à destination de tous les types de copropriétaires.
* Anah (Agence Nationale de l’Habitat) et ANIL (Agence nationale pour l’information sur le logement)
Marie-Philippe Buzut directrice de l’agence Foncia à Saint Mandé.
«Les grosses copropriétés de 150 ou 200 lots sont sollicitées par les campagnes de rénovation énergétique nationales et territoriales. Pas les ensembles plus petits, de moins de 20 lots, alors qu’ils sont largement majoritaires. Or, leurs copropriétaires et syndics ne sont pas suffisamment informés. »
Les définitions et procédures de la copropriété
- Le syndicat de copropriétaires : il est composé de l’ensemble des copropriétaires automatiquement et sans aucune formalité.
- Le conseil syndical est formé des membres élus de la copropriété. Il coordonne les relations entre le syndic et copropriétaires et assure une mission consultative, d'assistance et de contrôle du syndic. Ils sont élus pour un mandat d'une durée d'au maximum 3 ans renouvelables.
- Le syndic : Il administre et gère les finances de la copropriété. Le syndic peut être un professionnel ou un non professionnel choisi parmi les copropriétaires. Chaque copropriété en dispose d’un.
Les copropriétaires se réunissent chaque année en assemblée générale (AG) pour décider notamment des aménagements et travaux éventuels nécessaires à l’entretien des parties communes du bâtiment. Les propositions à l’ordre du jour sont débattues et soumises au vote. « Les travaux de rénovation énergétique relèvent de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 qui précise que la décision est soumise à la majorité absolue, c’est-à-dire à la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient présents, représentés ou absents, rappelle Raphaël Claustre, directeur général de Île-de-France Energies. Mais il comprend également une disposition passerelle qui permet de basculer vers l’article 24 si l’AG n’a pas décidé à la majorité absolue mais que le projet a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires. C’est d’ailleurs généralement par ce biais que les opérations de rénovation énergétique passent le vote. »
Le logement en chiffres
D’après les chiffres de l’Insee, au 1er janvier 2019, la France hors Mayotte compte 36,6 millions de logements. Les résidences principales représentent 81,7 % du parc et l’habitat individuel 55,9 % mais « sa part recule légèrement car le nombre de logements collectifs augmente plus vite que celui des logements individuels », explique l’organisme. Parmi eux, 5,1 millions sont des logements sociaux et près de 10 millions sont des copropriétés, soit 30 % du parc français. Une proportion qui monte jusqu’à 85 % à Paris. Il s’agit principalement d’appartements dont un tiers est situé en Île-de-France. Au niveau national, 60 % d’entre eux ont été construits avant 1975 et la première réglementation thermique. Enfin, selon les chiffres publiés début septembre par le ministère de la transition écologique, sur les 4,8 millions de logements considérés comme très énergivores, 17 % seraient occupés par leurs propriétaires et 23 % relèveraient du parc locatif privé. C’est beaucoup et illustre malheureusement bien aussi la dimension sociale de l’enjeu.
Confinement : les conséquences pour les travaux en copropriété
Le confinement interdisant les réunions, les Assemblées générales de copropriété en présentielles sont interdites jusqu'au 1er décembre. Leur organisation en visioconférences sont autorisés.
En parallèle, les délivrances de permis de construire et les chantiers étant maintenus, la réalisation de travaux, même chez les particuliers est possible, dans le respect du protocole sanitaire décrit dans le Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction en période d’épidémie de coronavirus SARS-CoV-2.
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