Rami Jabbour est directeur marketing et communication de Valobat depuis janvier 2022. Il a précédemment passé 10 ans chez Placoplatre Saint-Gobain en tant que responsable du marketing digital, de la communication puis du marketing clients et marché.Entretien.

« Le traitement des déchets constitue une opportunité pour leurs producteurs »

La Responsabilité élargie du producteur (REP) des produits et matériaux de construction et du bâtiment (PMCB) entre en vigueur le 1er janvier 2023. Un retard d’un an par rapport à ce qui était initialement prévu pour laisser le temps aux filières de s’organiser et notamment aux futurs éco organismes. Quatre candidats sont déclarés :  Ecominéro, Eco-mobilier, Valdélia et Valobat. Ce dernier fait le point pour Étanchéité.Info sur cette nouvelle obligation.

Étanchéité.Info Qu’implique la Responsabilité élargie du producteur (REP) des produits et matériaux de construction et du bâtiment (PMCB) ?

Rami Jabbour La REP est un principe de droit européen qui permet aux États membres d’assujettir une filière. Elle s’applique déjà en France par exemple pour les déchets diffus spécifiques (DDS), les déchets d’équipements électriques, électroniques (DEEE) et les déchets d’éléments d’ameublement (DEA). En février 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) a étendu ce régime aux produits du bâtiment. Elle reprend la règle du « pollueur payeur » : c’est au producteur du déchet de financer sa fin de vie. Dans le bâtiment, il s’agit notamment des metteurs sur le marché : les fabricants, les importateurs et les distributeurs ayant leur propre marque. Pour faciliter et accélérer la collecte et la gestion des déchets concernés et développer les filières de réemploi, de recyclage et de valorisation, ils doivent obligatoirement s’organiser au sein d’éco organismes à qui ils transfèrent, à travers le paiement d’une éco contribution, la responsabilité de cette obligation. Cette éco contribution sera internalisée au prix de vente de produits.

E.I. Sa mise en œuvre, prévue pour le 1er janvier 2022, a été décalée d’un an. Pourquoi ?

R.J. Si le décret d’application de la REP des PMCB est paru le 31 décembre 2021, l’arrêté portant cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs n’a été publié qu’en juin dernier. Impossible donc pour les éco organismes de s’organiser conformément aux exigences des pouvoirs publics et donc d’obtenir leur agrément. Ce délai va permettre à chacun de mettre en place les dispositifs nécessaires à sa bonne application.

E.I. Que précise ce cahier des charges ?

R.J. Il fixe principalement, les objectifs globaux de collectes et de recyclage. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un pourcentage du gisement de déchets. Il rappelle également que le développement des filières sera progressif sur plusieurs années. Les coûts vont s’ajouter au fur et à mesure afin d’élargir de plus en plus le périmètre et prestations concernées.

E.I. Concrètement, quel est le rôle des éco organismes ?

R.J. L’objectif premier de la REP, c’est le développement de l’économie circulaire. Les éco organismes en sont les chefs d’orchestre. Ils s’assurent que les éco contributions sont bien payées, que l’argent ainsi récolté est utilisé de manière optimisée pour collecter, traiter et recycler les déchets.

Il faut garder en tête que ces structures n’ont pas de but lucratif. Le montant des éco contributions est donc calculé au plus juste pour rester à la fois compétitif tout en permettant d’assurer la dimension opérationnelle de la gestion des déchets. Pour cela, ils s’appuient sur l’ensemble des professionnels du secteur à travers notamment le lancement d’appels d’offres.

Certains éco organismes sont spécialisés sur des familles de produits. Pas Valobat. Notre spécificité, c’est d’être généraliste. Nos 40 actionnaires sont représentatifs de l’ensemble des métiers du bâtiment.

E.I. La mise en place de la REP est-elle perçue comme une nouvelle contrainte par les producteurs de déchets ?

R.J. Ces derniers sont nombreux à avoir intégré notre gouvernance. Les échanges que nous avons avec eux montrent qu’aucun n’a attendu la REP pour se poser la question de la gestion des déchets issus de leur production, même si elle génère évidemment des contraintes de reprise, de solutions de traitement des déchets avec l’ensemble des surcoûts qu’elles induisent. Mais la plupart ont compris que la REP pouvait finalement aussi constituer une opportunité : la valorisation des déchets de leurs produits peut devenir une nouvelle source de matières premières. Dans un contexte de pénurie, le calcul est rapide. De plus, cette accélération de l’économie circulaire et de la réduction de l’impact carbone des produits s’intègre parfaitement dans les feuilles de route environnementales que les industriels développent. 

E.I. Certaines filières sont plus avancées que d’autres en la matière…

R.J. Oui. Certaines sont matures, comme le bois, les métaux ou les matériaux inertes. Il faut continuer à les développer. Pour les autres, le véritable frein vient plutôt de blocages techniques. C’est le cas par exemple des produits intégrant des matériaux qui se mélangent et sont difficiles à séparer. Le rôle de Valobat est aussi de trouver des solutions pour ces filières, en nouant des partenariats et en innovant pour remplir les objectifs de recyclage et de valorisation.

E.I. Tous les déchets sont-ils éligibles à la reprise ?

R.J. Les déchets collectés, tels que définis dans la REP PMCB, proviennent de produits du bâtiment installés durablement. Il s’agit donc de matériaux déposés dans le cadre d’opérations de rénovation ainsi que ceux liés aux déconstructions et aux démolitions. Les chutes sont également concernées, contrairement aux emballages. Ces derniers feront l’objet d’une autre REP qui devrait entrer en vigueur d’ici 2025. 

E.I. Comment cela va-t-il se passer pour les entreprises ?

R.J. Les entreprises vont devoir trier les déchets sur chantier. C’est la condition pour que leur reprise soit gratuite. Elles les achemineront ensuite vers les points de reprise : déchetterie professionnelle ou publique, point de collecte chez les distributeurs… Ces derniers devront se trouver en moyenne à 10 km du lieu de production des déchets. Dans le cas des zones rurales, cette distance est élevée à 20 km. Les déchets pourront également être collectés sur chantier ou en entreprise avec une prise en charge totale ou partielle suivant des conditions définies.

E.I. Quelles sont les prochaines étapes pour Valobat ?

R.J. Nous finalisons notre demande d’agrément que nous soumettrons bientôt auprès des pouvoirs publics. L’arrêté d’agrément devrait être délivré à la rentrée pour le démarrage opérationnel au 1er janvier prochain. Nous avons besoin de ce sésame pour valider l’adhésion des industriels et distributeurs. En attendant, nous avons lancé une campagne de pré-adhésion. Plusieurs centaines de structures ont d’ores et déjà signé une lettre d’intention pour nous soutenir dans notre demande d’agrément et s’engager à se mettre en conformité. D’autres attendent les barèmes des éco contributions avant de se positionner au sein de tel ou tel éco organisme.

En parallèle, nous venons de lancer tous nos appels d’offres à destination des acteurs de la collecte, du recyclage. Nous sensibilisons également les metteurs sur le marché sur les enjeux de la REP, leur rôle… Dès la rentrée nous irons à la rencontre des acteurs concernés, non seulement les producteurs de déchets mais également les professionnels du recyclage, les collectivités, les entreprises… Nous serons présents sur Batimat, sur stand mais aussi à travers l’animation de conférences. Nous partirons ensuite sur les routes de France à partir du 11 octobre pour un « Valobat tour ».

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