Suite à la publication des évolutions de la méthode d'évaluation destinée à définir la future réglementation, plus d'une centaine de professionnels du secteur de la construction mettent en garde, à travers une tribune, contre des mesures qu'ils considèrent contre-productives.

Le 6 novembre dernier, les pouvoirs publics ont publié sur le site www.batiment-ernergiecarbone.fr les "Evolutions de la méthode d'évaluation Energie Carbone et indicateurs testés en vue de la RE 2020". "Les pistes de réflexion identifiées par les groupes d'expertise mobilisés au 1er semestre 2019 ont été soumises à des groupes de concertation. Suite à cela, l'administration a retenu des évolutions de méthode. Un large panel d'indicateurs a été sélectionné et sera testé dans l'optique de la préparation de la RE 2020", expliquent-ils. 

Trois semaines plus tard, une centaine de spécialistes de l'efficacité énergétiques (maîtres d'ouvrage, bureaux d'études, architectes, ingénieurs...) ont co-signé une tribune dans laquelle ils s'inquiètent de la direction prise par ces arbitrages. Et ils ne mâchent pas leurs mots. S'ils reconnaissent quelques points positifs (indicateurs rapportés à la surface habitable (SHAB), prise en compte des Autres usages immobiliers...), "la récolte reste bien maigre. Les reculs majeurs décrits, s'ils se confirmaient, resteraient difficiles à accepter, tant nous avons la conviction qu'ils sont contraires aux intérêts de la transition énergétique et environnementale".

Sont notamment pointés du doigt : 

- la disparition de l'indicateur Bepos, qui, pour les signataires, aura pour conséquence d'empêcher d'atteindre l'objectif de la loi Grenelle 1 qui veut que tous les bâtiments neufs soient à énergie positive dès 2020 . De plus, cette évolution ne considère pas les Autres usages de l'énergie (Aue), soit les 2/3 de la consommation d'énergie d'un bâtiment. 

- le coefficient de 2,3 d'énergie primaire de l'électricité pour le calcul de fixation des seuils de la future RE 2020 et plus 2,58. "Le coefficient d'énergie primaire de l'électricité est une réalité physique et non une valeur négociable. On va favoriser les modes de chauffage électrique les moins performants et augmenter la demande d'électricité. Or, une production aussi élevée ne pourra être couverte seulement avec des énergies renouvelables."

- La volonté de réduire l'impact carbone du chauffage électrique de 210 gCO2/kW.h dans le label E+C-, qui prend en compte le recours important aux énergies fossiles pendant l'hiver à cause du chauffage électrique, à 80 gCO2. "Il est important de maintenir cette valeur hivernale dans la future réglementation, quitte à anticiper des évolutions du mix français à l'avenir et adapter la valeur au fil du temps."

- les attaques sur les EnR électriques : avec la disparition du Bepos, "la production d'énergie renouvelable ne pourrait être valorisée dans la RE 2020 dans le Cep que pour sa part auto-consommée. N'exporter ne servira plus à rien. Cela favorise les petites installations."

- Le remplacement de l'indicateur Recours aux énergies renouvelables (RER) par le Recours à la chaleur renouvelable (RCR). Pourquoi cette restriction ? 

- La prise en compte dans les calculs d'une durée de vie de 30 ans des panneaux photovoltaïques contre 50 ans pour les bâtiments, alors que les premiers continuent à produire après la période considérée. 

- Un calcul carbone illisible en raison notamment d'un recours important aux données génériques dans certaines filières (60 % dans le bois contre 25 % dans le béton). Des données qui favorisent la filière béton. 

Forts de l'ensemble de ces constats, les signataires de la tribune font des propositions :

- adopter la valeur actuelle du facteur d'énergie primaire de 2,74 pour l'électricité, ou a minima rester sur le statu quo du 2,58 ;

- fixer un objectif de Bbio au lieu des arbitrages pénalisant le photovoltaïque ;

- conserver le bilan Bepos incluant tous les Aue ;

- calculer l'indicateur RER ET RCR

- continuer à enrichir la base Inies.