Entretien avec Yannik Beix, président de l'Adivet qui revient pour Etanchéité.Info sur les enjeux liés au marché des toitures-terrasses végétalisées (TTV) et sur les actions de l’association pour accélérer son développement.

Etanchéité.Info Comment évolue le marché de la végétalisation ces dernières années ?

Yannik Beix La végétalisation du bâti et notamment des toitures a connu un engouement important entre 2007 et 2012, majoritairement porté par les marchés publics. Les établissements scolaires, de santé etc. constituaient alors le principal levier de croissance. Depuis 2012, nous assistons à une régression de ces prescriptions en volume. Cette baisse a été partiellement compensée par un frémissement de la commande privée, notamment dans le secteur tertiaire. Cette tendance s’explique par la loi biodiversité de 2016, précisée par la récente loi Energie Climat, qui impose aux surfaces commerciales la mise en œuvre d’une solution environnementale sur au moins 30 % de la toiture, dès 1 000 m² de surface. Néanmoins, nous observons que, plus que la végétalisation, c’est le photovoltaïque qui est généralement privilégié par les maîtres d’ouvrage car il bénéficie d’un retour sur investissement plus facilement mesurable. Autre constat : les prescripteurs se contentent du minimum imposé et vont rarement au-delà des 30 % requis.

E.I. Comment peut-on expliquer cette faible croissance ?

Y.B. L’Adivet a réalisé il y a un peu plus de deux ans un bilan d’étape du marché de la végétalisation du bâti afin d’analyser les freins à son développement. Nous avons constaté que les retours d’expérience sur les toitures réalisées entre 2007 et 2012 avaient, pour certains, terni l’image de ces ouvrages. Leur aspect notamment ne correspondait pas aux attentes des prescripteurs. En cause : une méconnaissance du rendu des systèmes et l’insuffisance voire l’absence d’entretien. Il faut toujours garder à l’esprit qu’une végétalisation de toiture est un produit qui certes connaît une certaine industrialisation mais reste avant tout vivant. Il évolue avec les saisons, les années... De plus, comme tout espace vert, il a besoin d’être nettoyé, arrosé… Or, les premières communications autour des procédés n’insistaient pas suffisamment sur la nécessité de l’entretien. Il n’était donc pas discuté et encore moins prescrit. L’information pouvait aussi ne pas être correctement transmise. Dans le privé, par exemple, un bâtiment est amené à changer de propriétaires tout au long de son cycle de vie. Or les nouveaux acquéreurs n’étaient pas toujours avertis que la toiture végétalisée doit bénéficier de passages réguliers pour vérifier et assurer son bon fonctionnement.

E.I. L’Adivet et ses partenaires ont-ils mis en place des solutions pour y remédier ?

Y.B. Nous communiquons activement sur ces problématiques. La troisième édition des Règles professionnelles (RP) pour la conception et la réalisation des terrasses et toitures végétalisées rédigées en 2018 en partenariat avec la Chambre syndicale française de l’étanchéité (CSFE) et l’Enveloppe métallique du bâtiment (EMB) insiste beaucoup plus que les versions précédentes sur l’entretien. Un chapitre et une annexe y sont désormais dédiés. Plus largement, le document permet à tous les acteurs du secteur de bénéficier d’un langage et de règles de calcul communs afin d’offrir à chacun des repères de caractérisation des techniques courantes.

E.I. Les prochaines évolutions de la réglementation environnementale vont-elles jouer en faveur des TTV ?

Y.B. Les TTV apportent des bénéfices écosystémiques en parfaite adéquation avec les enjeux environnementaux, notamment en milieu urbain. Leurs qualités en matière de biodiversité, de gestion des eaux pluviales, de réduction des îlots de chaleur urbains, de confort thermique et de santé/bien-être sont autant d’atouts pour la végétalisation. S’ils sont aujourd’hui admis, il faut  être capable de les qualifier et de les quantifier pour permettre aux maîtres d’ouvrage de justifier leur investissement et de tirer le meilleur parti de leur toiture en fonction des objectifs visés. Pour cela, nous avons participé à différentes études, comme par exemple Grooves, réalisée par l’Agence régionale de biodiversité (ARB) d’Île-de-France sur la biodiversité, nous collaborons avec les Agences de l’eau sur les problématiques de gestion des eaux pluviales… C’est par les retours d’expérience que nous pouvons mesurer les bénéfices des TTV.

E.I. Comment exploiter les données recueillies ?

Y.B. Nous travaillons actuellement à la rédaction d’un référentiel dont la parution est prévue au second semestre 2021. Il caractérisera les performances de bâti végétalisé en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de gestion des eaux pluviales, de biodiversité et de qualité de vie et de santé. Ces indicateurs pourront ainsi être utilisés pour répondre aux différentes exigences (réglementation, certifications, labellisation…) en ayant recours à un procédé adapté et convenablement dimensionné. La TTV assoira ainsi sa légitimité en matière de performance d’un bâtiment. Ils permettront également  d’évaluer méthodiquement le retour sur investissement de ces ouvrages, notamment en termes de valorisation du bâtiment. On l’estime aujourd’hui à 10 %.

Le contexte

De par sa formation (agronomie et HEC) et ses expériences professionnelles, Yannick dispose de compétences dans le domaine du végétal et du paysage ainsi que commerciales et marketing. Il est depuis 2010 le directeur de Sopranature, entité spécialisée dans la végétalisation du groupe Soprema. Il est président de l’Adivet depuis 2020.

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