
Étanchéité.Info Dès le début de la crise sanitaire, l’OPPBTP, en tant qu’organisme paritaire de prévention des risques au travail, s’est retrouvé en première ligne. Comment se sont déroulées les premières semaines de cette période inédite ?
Paul Duphil Les annonces gouvernementales du 17 mars 2020 ont immédiatement posé la question de l’arrêt ou de la poursuite des activités dans le BTP. Nous avons clairement recommandé leur arrêt car à ce moment-là, nous avions très peu de connaissances sur ce virus et son mode de transmission. Des exceptions ont été admises pour les interventions sur les sites assurant les activités essentielles de la nation comme par exemple les hôpitaux. Les artisans indépendants étaient également concernés.
L’idée de définir des mesures de prévention pour les entreprises entrant dans ces catégories a logiquement suivi afin de permettre à leur personnel d’exercer en sécurité. Nous avons réuni des médecins du travail, des experts de l’OPPBTP, des spécialistes externes, ainsi que des professionnels du BTP ayant vécu l’expérience du SRAS en Asie. L’Etat jouait le rôle d’arbitre. L’objectif était de rassembler un maximum de connaissances sur le virus, sa transmission et les moyens de s’en prémunir afin de rassurer chefs d’entreprise et salariés en leur donnant des éléments de guidage pour réorganiser leurs protocoles de sécurité sur l’ensemble du périmètre de leurs activités (de leurs locaux jusqu’au chantier). Dès le lundi 23 mars, une version martyre était proposée à la consultation collective. Cela signifie que lorsque le ministre de l’économie a déclaré que la reprise des activités dans le BTP était conditionnée à l’application d’un guide, les travaux étaient déjà engagés. Le 22 mars au soir, il a été convenu d’associer les syndicats de salariés de la construction à la rédaction du guide. Le lendemain, les organisations du BTP l’avaient en main.
É.I.Très attendue, la sortie du guide a pourtant pris du retard…
P.D. En effet. Le guide n’est paru que le 2 avril. Ce délai d’une dizaine de jours a été imposé par des débats entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises autour de la définition des responsabilités en cas d’arrêt ou de retard des chantiers et du partage des surcoûts induits. Par exemple, la notion de force majeure n’a pas été retenue car elle peut amener à une remise en cause des contrats, ce que personne ne souhaitait. En revanche, le référent Covid a fait son entrée.
L’autre point d’achoppement, cette fois entre les partenaires sociaux du BTP, s’est focalisé sur les conséquences de la parution du guide : induisait-il la réouverture effective de tous les chantiers sous réserve de l’application des règles ? Ou était-il destiné uniquement aux chantiers dits d’urgence afin de garantir des interventions en toute sécurité ? Finalement, la première option a été confirmée.
Depuis sa parution, ce guide est régulièrement mis à jour en cohérence avec les nouvelles annonces gouvernementales. Afin d’en faciliter la prise en main par les entreprises, ces évolutions sont toujours notifiées de manière visible.
É.I. Pour les métiers dont les interventions respectent facilement les gestes barrières (travaux en extérieur, distanciation sociale aisée…) comme c’est le cas par exemple en étanchéité, l’application du guide est-elle plus facile ?
P.D. Il faut garder à l’esprit qu’il existe souvent une différence entre le travail prescrit et le travail réel. Certains modes opératoires permettent de conserver une distance d’un mètre entre deux compagnons. On le constate dans le secteur de l’étanchéité. Cependant sur le terrain, il n’y a pas de garantie. Des situations particulières peuvent conduire à un rapprochement physique. De plus, la sécurité des salariés doit être assurée hors du site d’exécution et ces cas de figure concernent tous les corps d’état. Par exemple, les trajets à plusieurs en voiture ont été compliqués à mettre en place. Ils sont en effet notamment conditionnés au port du masque et chacun se souvient de leur pénurie au printemps 2020.
La gestion des lieux de pause et de restauration a également donné lieu à réflexion. Ces derniers sont en effet bien spécifiques sur chantier. Les bases vie ne sont pas extensibles, des bungalows ne sont pas toujours à disposition…
Pour y remédier, l’installation de séparateurs en plexiglas a primé, malgré les réticences de l’Etat à leur égard.
É.I. Les règles sanitaires du guide sont-elles respectées sur chantier ?
P.D. De manière générale oui, avec, comme partout, des exceptions. Nous n’avons pas à déplorer de contaminations importantes sur les chantiers, pas plus qu’ailleurs.
É.I. La crise sanitaire derrière nous, certaines règles sanitaires sont-elles amenées à perdurer ?
P.D. C’est probable. En effet, en expérimentant de nouveaux protocoles d’organisation « covid 19 », certaines entreprises se sont rendu compte qu’ils étaient plutôt efficaces. Ils seront certainement pérennisés par la suite.
La question de l’hygiène en revanche, est plus délicate. Le rôle des maîtres d’ouvrage est ici déterminant. Or, chacun a sa propre manière d’appréhender cette question. Au printemps 2020 par exemple, la diversité de leurs réactions a parfois suscité de l’étonnement. Certains ont immédiatement apporté leur soutien en signant ordres de service et autres arrêts de chantier et en acceptant de partager les surcoûts induits. D’autres en revanche ont nié toute responsabilité et ont joué l’économie, par exemple sur la mise à disposition « minimaliste » de points d’eau ou de gel hydroalcoolique.
Notre objectif est de promouvoir et améliorer le guide afin d’ancrer ces pratiques dans les habitudes des professionnels du BTP.
É.I. Plus d’un an après le début de la crise sanitaire, quel regard portez-vous sur ces événements ?
P.D. Il faut saluer le fait que, face à ces événements inédits, les professionnels du BTP ont su se rassembler et s’organiser rapidement. Rappelons qu’il s’agit là de la seule branche d’activité disposant d’un organisme dédié à la sécurité qu’est l’OPPBTP. La réactivité n’en a été qu’accélérée. De plus, l’ensemble des acteurs du secteur, chefs d’entreprise comme salariés ont fait preuve d’une créativité remarquable pour trouver les solutions les plus adaptées au contexte sanitaire. Et ont permis de faire en sorte que le travail reprenne dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions.
L'OPPBTP
Créé en 1947, l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) a une mission de conseil aux entreprises dans la prévention des accidents du travail, des maladies professionnelles et l’amélioration des conditions de travail. Ingénieur civil des Mines de Paris, Paul Duphil a rejoint l’OPPBTP en 2008.
La sécurité dans l’étanchéité
L’OPPBTP et la Chambre syndicale française de l’étanchéité travaillent depuis plusieurs années sur l’amélioration de la sécurité et de la santé des intervenants sur chantier. Une première étude était parue en 2010 soulignant les principaux risques auxquels ils étaient confrontés. Si le risque de chute de hauteur reste le principal, elle avait également mis en évidence que les troubles musculo-squelettiques dus au port de lourdes charges en était un autre. Ce constat avait notamment abouti à la diminution du poids des rouleaux d’étanchéité bitumineuse à 25 kg en 2013, ainsi qu’au développement d’outils dédiés pour faciliter les opérations de manutention.
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