Étanchéité.Info Vous êtes entré dans la profession au début des années 1940. Que retenez-vous du métier d’étancheur à l’époque ?
Dominique Zoccoli Je suis arrivé dans le secteur de l’étanchéité en 1941 au service comptabilité du groupe Ruberoïd. J’avais 18 ans. On m’a rapidement proposé d’évoluer vers un poste de métreur. Pour cela, j’ai suivi les cours du soir au lycée avant de me lancer sur les chantiers. À l’époque, la construction neuve marchait au ralenti contrairement aux activités de réfection. Les bâtiments existants devaient en effet être maintenus en l’état. Il faut également reconnaître que les interventions concernaient également les nombreuses usines touchées par les bombardements. Certaines toitures de Renault à Billancourt par exemple ont été refaites trois fois. La période était douloureuse mais l’expérience formatrice : une sorte d’apprentissage par la pathologie !
E.I. Comment se déroulaient alors les chantiers ?
D.Z. Mener un chantier revenait à maîtriser l’art de la substitution. À défaut de bitume, on utilisait du brai de houille mais aussi du ciment volcanique, un dérivé du goudron mélangé à du soufre. L’odeur était forte et tenace et imprégnait les vêtements. De la même manière, nous recyclions de vieux casques militaires en récipients à bitume pour pallier la pénurie de casseroles. Trouver du bois de chauffage pour alimenter le fondoir avant le début des chantiers pouvait relever du parcours du combattant.
E.I. Avec le recul, quel regard portez-vous aujourd’hui sur les performances des matériaux ?
D.Z. Les complexes d’étanchéité n’étaient pas autoprotégés par paillettes. Tous les quatre ans pour les monocouches et tous les huit ans pour les bicouches, il était nécessaire de les traiter avec un enduit bitumineux à froid. Aujourd’hui encore, je suis surpris de la longévité de ces systèmes. Certains ont eu une durée de vie d’une trentaine d’années.
E.I. Comment se poursuit votre carrière après-guerre ?
D.Z. En 1980, Robert Charreton, président de Smac-Acieroïd, m’a demandé de prendre la direction de la nouvelle entité Ruberoïd SA dont je suis devenu PDG. Mais les affaires allaient mal et des agences ont dû fermer. Seule celle d’Anthony est restée. J’ai alors été confronté à une nouvelle dimension de mon travail, pas la plus agréable… Il a fallu restructurer, réduire le champ d’activité pour remettre l’entreprise sur les rails. L’opération a été difficile mais utile car les années suivantes ont sans aucun doute été les plus fastes. Ce fut une victoire en tant que chef d’entreprise mais je considère que mes plus grands succès ont eu lieu sur chantier. Au fil des ans et de l’évolution des techniques, le terrain est toujours resté mon moteur. Constater qu’une étanchéité mise en œuvre dans les années 1940 traverse plus de trente ans sans dégât est une véritable source de satisfaction et de fierté.
E.I. Comment avez-vous redressé la barre ?
D.Z. Technicien d’exécution à la sortie de la guerre, j’ai ensuite été promu sous-directeur, directeur adjoint puis directeur du service technique de Ruberoïd. En 1970, le groupe fusionne avec Acieroïd pour donner naissance à Ferem dont j’ai pris la tête du département produits sur béton. Si ce rapprochement a été couronné de succès à ses débuts dans une France qui doit remettre sur pied son secteur industriel, rapidement le marché se durcit. La concurrence devient de plus en plus rude, l’informatisation coûte cher. Ferem lance quelques projets d’implantations malheureux à l’étranger et une introduction en Bourse mal contrôlée qui conduisent en 1973 à un rapprochement avec Smac. La fusion entre les deux entités, dont l’initiative revient aux partenaires financiers, aboutira en 1978 sous le nom de Smac-Acieroïd. J’ai alors effectué un cours passage au siège de la nouvelle structure mais je m’éloignais de la construction et de l’exploitation. Ces quelques mois n’ont pas été les meilleurs moments de ma carrière.
À la retraite depuis 1992, Dominique Zoccoli a été élu conseiller prud’homal en 1987. Il a reçu la grande médaille d’or du travail en 1988 et la médaille des services professionnels de la FFB en 2004. Il a également été l’un des membres les plus écoutés et les plus reconnus des instances techniques de la CSFE.