Les éléments porteurs en bois sont particulièrement sensibles à l'humidité. Pour l'éviter, la toiture-terrasse doit intégrer des dispositions constructives spécifiques qui ne sont pas toujours suivies sur le terrain. Le respect des règles détaillées dans les référentiels existants sont un préalable indispensable à la durabilité et la pérennité de l'ouvrage.

En France, la construction en bois se développe depuis une dizaine d'années. Elle représente aujourd'hui un peu plus de 10 % du marché. Ses principaux débouchés sont majoritairement les maisons individuelles et surtout les surélévations et extensions. Plus de 20 % de ces ouvrages sont réalisés en bois en raison notamment de la légèreté du matériau, « 5 à 7 fois moins lourd que la maçonnerie », précise Christian Fanguin, responsable technique et pédagogique du centre de formation continue et innovation Bois PE. De plus, pour ces opérations, les limitations de hauteur imposées par les PLU incitent souvent à recourir à une toiture plate. Sans oublier ses qualités de matériau renouvelable, en phase avec les ambitions de la loi transition énergétique et des différents labels environnementaux. La combinaison de ces trois arguments engendre logiquement un développement des toitures-terrasses avec élément porteur en bois. Le béton et l'acier restent largement majoritaires mais le bois grignote peu à peu des parts de marché. Ces dernières devraient d'ailleurs encore augmenter avec le récent déblocage administratif des autorisations de construction d'immeubles en bois de grande hauteur. Ce projet, lancé dans le cadre de la loi transition énergétique « vise à permettre de construire des « immeubles à vivre en bois » démonstrateurs jusqu'à 15 étages et à favoriser à plus long terme la construction d'immeubles en bois de très grande hauteur », explique le ministère de l'environnement.

« Le béton et l'acier restent majoritaires en matière de toiture-terrasse mais le bois grignote peu à peu des parts de marché. »

Ce marché a la particularité de ne pas avoir été réellement investi par les étancheurs. Petites surfaces à couvrir, matériau mal connu... « La seule mise en œuvre du complexe d'étanchéité n'est pas rentable , souligne Alain Duthé, dirigeant d'Axe étanchéité qui a choisi de se positionner sur ce créneau. Pour être présent sur ce secteur, nous nous sommes formés à la pose des charpentes en bois et du plancher. Nous avons, de fait, la maîtrise de notre travail. » Cet exemple fait encore exception. Le lot toiture est souvent attribué aux professionnels du bois, notamment aux charpentiers. « Cette répartition n'est pas toujours claire en raison de l'absence courante d'architecte et de contrôleur technique sur ces chantiers. Il arrive que quatre corps de métier soient amenés à intervenir sur l'ouvrage : charpentier, couvreur, plaquiste et spécialiste de l'isolation », précise Rodolphe Maufront, responsable technique charpente construction bois de l'Union des métiers du bois (UMB/FFB). Cette situation peut poser des problèmes en matière de coordination, de planning mais aussi de qualification et de responsabilité en cas de sinistre.

POINT DE ROSÉE

Car le bois est un matériau délicat. Son principal ennemi : le confinement de l'humidité. Que de la vapeur d'eau venant de l'intérieur soit prisonnière du complexe d'étanchéité et l'élément porteur s'expose au pourrissement et donc à l'effondrement. Le couple isolation thermique / pare-vapeur est la clé de la durabilité et de la pérennité du système. « Le point de rosée calculé doit toujours être au-dessus du pare-vapeur », rappelle Lise Boussert, déléguée technique de la Chambre syndicale française de l'étanchéité. Or, dans la pratique, ce prérequis n'est pas toujours pris en compte. « En raison de la relative jeunesse des constructions bois en France, la plupart des entreprises n'ont pas toutes les connaissances requises pour appréhender correctement ces chantiers. Il existe un vrai déficit de formation », justifie Rodolphe Maufront. C'est notamment pour cela que le Centre de formation continue et innovation Bois PE a édité un guide pour les bonnes conception, mise en œuvre et exploitation des toitures-terrasses avec élément porteur en bois* et propose des formations dédiées.

UN ENCADREMENT DES PRATIQUES

Sur le plan des normes, un seul référentiel est aujourd'hui disponible : le NF DTU 43.4. Rédigé dans les années 1990, il n'est plus complètement adapté aux pratiques actuelles. Il devrait bénéficier d'une révision dans les années à venir (voir encadré). Le texte recense deux catégories de systèmes : la toiture chaude isolée avec l'intégralité de l'isolant placée au-dessus de l'élément porteur et la toiture froide ventilée avec une isolation sous l'élément porteur. Ce dernier procédé fonctionne sous réserve d'une ventilation efficace qui permet au bois de sécher s'il est exposé aux transferts de vapeur. Or, « cette ventilation est souvent difficile à réaliser. En toiture chaude la difficulté est de bien gérer la hauteur de l'ouvrage avec l'épaisseur nécessaire de l'isolation », souligne Christian Fanguin. Pour contourner ces contraintes, les intervenants sont souvent tentés par la mise en œuvre de l'isolant dans le plénum en sous-face de l'élément porteur sans intégrer de lame d'air. Pourtant, ce type de conception peut s'avérer dangereux si la vapeur d'eau stagne dans le complexe. L'élément porteur risque alors d'être profondément dégradé.

« Une solution alternative au NF DTU 43.4 existe : il s'agit de positionner un tiers de la résistance thermique de l'isolation en sous-face de l'élément porteur et deux-tiers au-dessus. »

Pour encadrer ces pratiques, la CSFE a tout d'abord édité en 2012 ses Recommandations professionnelles n°4 « pour la conception et l'isolation thermique des toitures-terrasses et toitures inclinées avec étanchéité ». « Ce document a ouvert la porte à une solution alternative. Il s'agit de positionner une partie de l'isolant correspondant, au plus, au tiers de la résistance thermique totale de la paroi, en sous-face de l'élément porteur. Le reste, correspondant aux deux-tiers de la résistance thermique totale, est placé au-dessus, en s'assurant que le point de rosée calculé se trouve au-dessus du pare-vapeur », décrypte Lise Boussert. Cette solution a été reprise dans les Recommandations professionnelles RAGE 2012 « Isolation thermique des sous-faces des toitures chaudes à élément porteur en bois » diffusées en juillet 2014. Les Recommandations RAGE sont assimilables à priori à des techniques courantes par la commission « prévention produits mis en œuvre » (C2P) de l'Agence qualité construction (AQC) qui a pour mission d'identifier les techniques susceptibles d'engendrer des risques de sinistres.

GUIDE RAGE 2012

Les professionnels du bois se sont également emparés du sujet via la publication d'un guide, toujours dans le cadre du programme RAGE 2012, intitulé « Toitures-terrasses en bois isolées intégralement sous l'élément porteur ». Ce guide décrit une technique innovante qui n'est pas reconnue comme technique courante. « Cela implique que les acteurs du chantier qui le suivent doivent avoir recours à une assurance complémentaire », rappelle la déléguée technique de la CSFE. « Nous sommes partis du constat qu'une grande partie des chantiers MOB avec toiture-terrasse avait recours à une isolation non-ventilée sous l'élément porteur. Il nous a donc paru indispensable de définir les règles de conception permettant d'éviter les risques de sinistre », explique Rodolphe Maufront. Le texte précise que ce type de mise en œuvre est limité à certaines catégories de bâtiments : les maisons individuelles neuves, les parties neuves de maisons individuelles existantes (extension) et les extensions de bâtiments en rez-de-chaussée relevant du code du travail. Dans tous les cas, la surface couverte ne doit pas excéder 70 m². Ensuite, « le choix du pare-vapeur doit se faire en cohérence avec le choix du panneau et de la membrane d'étanchéité », précise la brochure B.A. Bois édité par le CNDB. Cela signifie que la résistance à la diffusion de la vapeur d'eau (valeur Sd) du pare-vapeur doit être au moins six fois supérieure à celle de la membrane d'étanchéité. Pour garantir cet équilibre, les membranes d'étanchéité bitumineuses sont proscrites, en raison d'une valeur Sd trop forte. Seules les feuilles PVC sont admissibles. Enfin, la résistance thermique de l'isolant placé sous le pare-vapeur doit être inférieure à un tiers de la résistance thermique globale de la paroi.

CALCUL DES CHARGES

Outre ces exigences, la conception d'une toiture-terrasse sur élément porteur en bois doit respecter d'autres contraintes. Quelle que soit la nature de la structure (béton, acier ou en bois), la pente de l'élément porteur doit être supérieure ou égale à 3 %. De plus, « lorsque le bâtiment dispose d'une ossature bois, les planchers horizontaux, dont la toiture-terrasse, assurent la stabilité de l'ensemble , décrit Christian Fanguin. À réception du support, il est indispensable de bien s'assurer qu'ils sont contreventants. En revanche, lorsque la structure est maçonnée, c'est elle qui assure ce rôle. » Elie Syriani, directeur commercial d'OBM construction, entreprise générale de construction bois et industrialisée, ajoute : « l'élément porteur doit être dimensionné pour reprendre les charges propres du système d'étanchéité. » Le NF DTU 43.4 établit la liste des matériaux admissibles associés à leur épaisseur minimale. Il peut s'agir de bois massif, de contreplaqué type CTB-X ou de panneaux de particules (type CTB-H). « Les documents RAGE précités y ont ajouté l'OSB. Dans tous les cas, les panneaux doivent être capables d'évoluer en milieu humide », rappelle Julien Lamoulie, ingénieur construction systèmes constructifs et enveloppes bois au sein du FCBA. D'autres produits relevant du domaine non-traditionnel disposent d'Avis technique validant leur emploi dans cette configuration : le bois lamellé croisé (CLT) et le lamibois (LVL).

Les produits d'isolation et d'étanchéité du marché tout comme les protections d'étanchéité pour toitures inaccessibles (gravillons, végétalisation extensive…) sont autorisés. L'installation d'équipements techniques est également admise, sous réserve que la résistance de l'élément porteur ait été calculée pour cet usage.

SUR LE TERRAIN

En cours de chantier, « le hors d'eau doit être assuré le plus rapidement possible afin d'éviter toute exposition prolongée du bois aux intempéries, souligne Laureline Roy, responsable du service technique du fabricant Metsä Wood. La coordination entre l'intervention du charpentier et celle de l'étancheur est primordiale. » L'industriel réfléchit même à préfabriquer en usine la pose du pare-vapeur sur ses panneaux. « Nous en sommes encore au stade de la réflexion mais cette pratique permettrait de garantir le hors d'eau dès la pose de l'élément porteur, de raccourcir les temps de chantier et d'assurer la bonne mise en œuvre du pare-vapeur. » La pose de cette membrane ne souffre en effet aucune approximation. Elle ne doit pas être percée, sous peine de créer des fuites de vapeur d'eau et donc de la condensation. Une pose en semi-indépendance ou en adhérence sera privilégiée. En cas de structure bois, le raccordement avec le pare-vapeur des murs doit également faire l'objet d'une conception en amont. « Une bande pare-vapeur d'au moins 80 cm sera agrafée sur toute la périphérie du bâtiment. Elle permettra le raccord avec le pare-vapeur des murs et de la toiture-terrasse », précise Christian Fanguin dans son ouvrage*. Pour le reste, les techniques de pose sont similaires aux autres typologies de toiture-terrasse.

Dernière grande question autour de la toiture-terrasse bois : son accessibilité. Le NF DTU 43.4 la classifie comme inaccessible ou technique. Dans la pratique, de plus en plus d'ouvrages accessibles aux piétons sont mis en œuvre. « Rien ne s'y oppose. Les propriétés mécaniques du bois sont adaptées à cet usage s'il a été prévu à la conception », souligne Hubert Fèvre, chef de projet et co-gérant du bureau d'études Gaujard Technologie. Par exemple, le dimensionnement de la structure aura été calculé en fonction des portées. La révision du NF DTU 43.4 devrait apporter des éléments de réponse.

* Christian Fanguin, Les toitures-terrasses sur éléments porteurs en bois, Bois PE, avril 2016, 171 pages.

                                                                                                                                                                  

Logiciel de calcul de transfert de vapeur d'eau dans la paroi

Pour calculer les transferts d'humidité dans les parois, les bureaux d'études disposent d'outils de modélisation, selon la norme NF EN 15026. « Le logiciel de calcul Wufisimule les phénomènes physiques qui se produisent à l'intérieur des parois en fonction des données météo, de l'atmosphère intérieure…, explique Hubert Fèvre, chef de projet et co-gérant du bureau d'études Gaujard Technologie.

Il permet de connaître les niveaux de transfert d'humidité, la capacité des matériaux à stocker et restituer l'humidité…» Ce logiciel a été utilisé pour la réalisation d'une étude commandée en 2012 par le CSTB pour améliorer la connaissance des transferts de vapeur d'eau dans les ossatures bois. Il a notamment permis de « valider la reconnaissance des propriétés pare-vapeur de l'ensemble des constituants de la paroi et la nécessité de respecter une valeur dégressive de leur coefficient de perméabilité à la vapeur d'eau (Sd) de l'intérieur vers l'extérieur, ainsi que la règle des 2/3-1/3 souligne la FFB.

Le NF DTU 43.4 bientôt révisé

Paru en 1993, amendé en 1995 et mis à jour en 1998 pour y intégrer les normes européennes, le NF DTU 43.4 va bientôt faire l'objet d'une révision de fond. Une commission préparatoire, composée de professionnels du bois et de l'étanchéité, se réunira dans les mois à venir. Plusieurs ajouts et ajustements devraient être proposés : - l'accessibilité des toitures-terrasses ; - introduction des éléments porteurs en OSB qui, aujourd'hui, se mettent en œuvre de manière traditionnelle. À noter qu'ils sont déjà présents dans les documents RAGE ; - introduction des membranes d'étanchéité en PVC - P et des systèmes bitumineux fixés mécaniquement ; - révision du dimensionnement des évacuations d'eaux pluviales, Suppression des solutions obsolètes de traitement des points singuliers, etc.