Installation de panneaux photovoltaïques, mise en œuvre d’une végétalisation, etc., de nombreux équipements sont ainsi prévus sur les toitures avec étanchéité dès la conception des bâtiments mais les travaux sont différés, souvent pour des raisons budgétaires. Quelles précautions prendre à la construction pour s’assurer de la pérennité de l’ouvrage final ?

01 Quels sont les principes à suivre lors de la conception d’une toiture avec étanchéité lorsqu’il est prévu des aménagements avec mise en œuvre différée ?

La conception de la toiture doit intégrer les exigences :

- des règles de l'art et exigences auxquelles devra répondre l'ouvrage à la réception du bâtiment,
- des règles de l’art et exigences qui lui seront applicables lorsque les aménagements et équipements différés seront en place.

Il faut, pour ce faire, que chaque élément constitutif de la toiture (l’élément porteur, l’isolant thermique, le complexe d’étanchéité et sa protection éventuelle) soit défini pour répondre simultanément aux contraintes liées à la première phase (période sans l’aménagement différé) et à celles de la phase définitive.

Les aménagements différés conduisant à un changement de destination de la toiture ne sont pas visés par le présent article. Le sujet a été précédemment traité dans les fiches pratiques de E.I. n° 50 et 51.

02 Quelles contraintes induites pour l'élément porteur ?

Tous les éléments porteurs ne sont pas toujours compatibles avec le type d’aménagements différé, en raison des charges apportées. Il faut s'en s'assurer dès la phase projet. Par exemple, si un élément porteur en panneaux à base de bois peut aujourd'hui être utilisé pour réaliser une terrasse accessible aux piétons avec protection par dalles sur plots (voir Recommandations Rage «Toitures-terrasses accessibles aux piétons avec élément porteur en bois et panneaux à base de bois avec revêtement d'étanchéité»), il n'est pas possible d'y installer par la suite un équipement lourd type piscine ou jacuzzi car ils ne sont pas conçus pour supporter directement ce type de charge. Le NF DTU 43.4 précise d'ailleurs que des équipements lourds doivent être reportés directement sur la structure porteuse.

Son dimensionnement est par ailleurs essentiel. Pour ce faire, l'emplacement des charges des futurs aménagements, leur type, (surfaciques, ponctuelles, linéaires) et leur valeur doivent être définis précisément dès la conception. Ils sont d'autant plus essentiels pour un élément porteur souple comme les tôles d'acier nervurées (TAN). En effet, celles-ci sont généralement dimensionnées selon le NF DTU 43.3 pour des sollicitations de charges réparties. Envisager d'y installer des aménagements tels que des panneaux photovoltaïques impose un dimensionnement particulier des TAN soumises alors à des charges non réparties.

03 Et le choix de l'isolant thermique ?

Trois points doivent faire l’objet d’une attention particulière et les prévoir dès la conception :

- sa classe de compressibilité, adaptée à la destination de la toiture. Si sur une toiture inaccessible un isolant de classe de compressibilité B est admis, il ne sera plus adapté dans le cas où cette même toiture accueillera, en différé, une végétalisation ou des panneaux photovoltaïques. L’isolant requis doit alors présenter une classe C comme pour une toiture technique ;

- le respect du domaine d'emploi : certains isolants utilisables sous protection lourde ne le sont pas sous un revêtement d'étanchéité apparent, en raison de leur sensibilité au gradient de température (PSE, PU). En conséquence, si par exemple, pour une toiture végétalisée qui admet un isolant apte à une utilisation sous protection lourde, la végétalisation prévue est mise en place en différé, il faut choisir un isolant capable à recevoir un revêtement apparent.

- les charges admissibles : elles sont définies par les résultats d'un essai de comportement sous charge maintenue (appelé aussi essai « Dalles sur plots ») qui précise les contraintes admissibles sur l'isolant selon son épaisseur, pour les cas de charges localisées (végétalisation, système photovoltaïque, dalles sur plots).

04 Quant au complexe d'étanchéité, quelles mesure sont indispensables ?

Tout d'abord, le choix du revêtement d’étanchéité doit se porter vers celui dont le classement FIT (défini en fonction de la destination de la toiture, du type de mise en œuvre et du type de protection) correspond à l’exigence la plus contraignante de la 1ère phase (avant la mise en œuvre de l'aménagement différé) et de la phase définitive.

Dans le cas de la mise en place d'un équipement lourd, uniquement possible dans le cas d'une toiture avec élément porteur maçonné, il faut vérifier que son poids est compatible avec la contrainte admissible par le revêtement d'étanchéité ou celle de l'isolant si elle est plus faible.

Autre point essentiel lorsque des aménagements sont différés et susceptibles d'assurer le lestage : la tenue au vent du complexe d'étanchéité durant la période antérieure à leur mise en place. Le système d'étanchéité (isolant thermique + revêtement d'étanchéité) doit alors seul résister au vent. Par conséquent, l'étanchéité sera mise en œuvre en semi-indépendance ou en adhérence. Elle doit également être autoprotégée.

Si l'aménagement différé est une végétalisation, l'étanchéité doit par ailleurs être résistante aux racines.

05 Aujourd'hui, il est beaucoup question d'intégration de panneaux photovoltaïques rigides en toiture installés après la construction du bâtiment. Quels sont les points de vigilance ?

Pour les toitures avec étanchéité, il existe des systèmes complets de panneaux photovoltaïques (PV) intégrant les éléments porteurs admissibles, l'isolant support d'étanchéité, le revêtement d'étanchéité, le système de maintien des panneaux PV et leur liaisonnement au complexe d’étanchéité et les panneaux PV eux-mêmes. Ces systèmes sont les seuls à être évalués favorablement dans le cadre d'un Avis Technique ou d'une ATEx, ce qui constitue pour les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'œuvre, l'assurance d'une certaine maîtrise de la technique proposée, de la mise en œuvre et des conditions d'assurabilités raisonnables.

Le dimensionnement de l'élément porteur est à appréhender dès la conception, en particulier dans le cas d'un élément porteur souple en TAN ou en bois ou panneaux à base de bois. En effet, selon le système PV, le principe d'application des charges est différent et impacte le dimensionnement de l'élément porteur. Il peut être ponctuel - c'est le cas de systèmes avec plots ou platines - ou linéaire dans le cas de système de montage par rails. Assimiler les charges du système PV à une charge uniformément répartie ne serait donc pas une démarche allant dans le sens de la pérennisation de ces systèmes. C'est pourquoi par exemple, les avis techniques et ATEx de systèmes sur élément porteur en acier, visent nommément les TAN dont le dimensionnement a été validé pour l'emploi de ces systèmes PV, par calcul et essais expérimentaux tels qu'un essai « dalles sur plots » spécifique pour l'isolant thermique associé.

Dans le cas où un maître d'ouvrage ne souhaite pas s'engager sur la mise en œuvre d'un système complet particulier lors de la conception de la toiture, il faut par mesure conservatoire, dimensionner l'élément porteur pour le système le plus contraignant en matière de report de charges si l'on veut éviter la mise en œuvre différée d'un système PV non adapté. Attention toutefois aux conditions d'assurabilité de l'installation.

Derniers points de vigilance, lorsque les travaux différés ont lieu un certain temps après la construction, il faut :

- s'assurer des conditions d'origine de l'ouvrage pour éviter toute dérive par rapport aux hypothèses initiales de dimensionnement retenues ;

- le liaisonnement des systèmes de montage avec le revêtement d'étanchéité s'effectuant par soudage, s’assurer de l'aptitude au soudage de l'étanchéité existante par une préparation adéquate (essai de soudure avec contrôle destructif par pelage manuel sur échantillon dans le cas membrane synthétique, noircissement du revêtement bitumineux ardoisé à l'emplacement des soudures, etc.)

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