L’Adivet vient de publier son référentiel de mesure de la performance écosystémique d’un projet de végétalisation du bâti. Il permet d’évaluer les qualités d’une toiture végétalisée en matière de lutte contre les îlots de chaleur urbains, de gestion des eaux pluviales, de biodiversité et de santé/bien-être. Avec le double objectif de valoriser les services rendus par ces ouvrages et de pousser à la sophistication des procédés mis en œuvre.

Nous vous l’avions annoncé dans ces pages. Après trois ans de travaux, le voilà : le référentiel de mesure de la performance écosystémique d’un projet de végétalisation du bâti rédigé par l’Association des toitures et des façades végétalisées (Adivet) est paru. Une initiative partie de plusieurs constats. Avec un nombre de FDES disponibles encore insuffisant, ces ouvrages sont pénalisés par la RE2020, « alors même qu’ils disposent de nombreux autres atouts qui méritent d’être valorisés », rappelle sa déléguée générale Sophie Rousset-Rouvière. Certes, on en retrouve une partie dans les labels et certifications disponibles mais « les critères restent globaux et ne sont pas définis en fonction d’un objectif précis ».

Pourtant, décideurs et prescripteurs expriment un réel besoin en la matière. « Que ce soit en tant qu’industriels ou qu’Adivet, nous sommes régulièrement consultés sur les caractéristiques d’une toiture végétalisée efficace », souligne Julien Rémy, responsable d’activité green solutions de Knauf Insulation et membre du groupe de travail rédacteur du nouveau référentiel. À cette question néanmoins, plusieurs réponses sont possibles. « Ce document est là pour les décrypter. Pouvoirs publics, architectes, bureaux d’études… vont désormais pouvoir s’y référer et y piocher dans tout ou partie pour dimensionner correctement leurs ouvrages en fonction des objectifs visés. »

Zoom sur… les performances de la toiture végétalisée en matière de gestion des eaux pluviales

« En confrontant les points de vue, nous avons réalisé que nous travaillons tous sensiblement sur les mêmes problématiques », explique Julien Rémy, responsable d’activité green solutions de Knauf Insulation et membre du sous-groupe de travail dédié à la gestion des eaux pluviales. Comment le référentiel pour mesurer la performance écosystémique d’un projet de végétalisation du bâti définit-il les qualités de rétention d’eaux pluviales des toitures végétalisées ? Il précise que quatre critères ont été retenus : la capacité de rétention en eau de la toiture, son abattement pluvial (en % sur une chronique > 1 an), son débit de fuite et sa consommation en eau. « On sait aujourd’hui que la seule épaisseur de substrat ne suffit pas pour caractériser les performances d’une toiture végétalisée en la matière », justifie Julien Rémy. Sont donc par exemple également prises en compte (et valorisées) la présence d’une structure de stockage d’eau, la limitation du débit de rejet ou encore la mise en place d’un programme d’irrigation. De plus, les performances renseignées demandent à être justifiées par des méthodes et outils reconnus. « Certaines de ces thématiques comme le débit différé ou la combinaison abattement / rétention sont des solutions encore peu mises en œuvre mais constituent clairement une partie des réponses aux enjeux de demain. »

États des lieux

Ces objectifs justement, quels sont-ils ? Pour les identifier, l’Adivet a réalisé un état des lieux des services écosystémiques rendus par la végétalisation des toitures. À savoir : la lutte contre les îlots de chaleur urbains, la gestion des eaux pluviales, la biodiversité et la santé/bien-être. Quatre thématiques qui structurent aujourd’hui le référentiel.

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(c) L. Blossier / BMI Siplast - La définition des systèmes de toitures végétalisées prennent en compte l'épaisseur du substrat et la palette végtale mais également, entre autres, les variétés de strates.
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(c) E. Houssin / BMISiplast - Le Green Roof Score peut s'utiliser comme une check-list.

« Chacune d’elles se décline en critères associés à un système de points attribués en fonction du niveau de performance », décrit Sophie Rousset-Rouvière. L’atteinte du palier 1 suffit à répondre aux exigences minimales, le 4 récompense les meilleures performances connues à ce jour. Un système de pictogrammes facilement identifiables matérialise le classement. « La hiérarchisation s’est appuyée sur les projets et retours d’expérience des différents membres de l’Adivet, du plus basique au plus complexe parmi les solutions disponibles. Nous devons rester réalistes dans l’approche et considérer les performances en fonction des techniques existantes et accessibles, ajoute Julien Rémy. Notre objectif n’est pas de culpabiliser mais de tirer le marché vers le haut en montrant que gagner un point supplémentaire demande finalement peu d’effort. » Et de faire comprendre également que certaines exigences de conception décrites parfois dans les PLU n’ont finalement pas les effets escomptés et mériteraient d’être aménagées. Par exemple, « imposer une forte épaisseur de substrat pour y planter des sedums n’a pas de sens. Les services écosystémiques sont bien moindres qu’avec une végétation composée de strates variées, notamment en termes de biodiversité », souligne Frédéric Madre, président de l’Adivet et co-fondateur de Topager.

Les 5 classes du référentiel

- A : végétation rase à dominante de vivaces succulentes (sedum majoritaire) et de mousses ;

- B : végétation rase de vivaces succulentes avec massifs ponctuels de vivaces herbacées, à bulbes et graminées sur une surface inférieure à 50 % de la surface totale végétalisée ;

- C : végétation sur une base de vivaces succulentes et une dominante de vivaces herbacées, à bulbes et graminées sur une surface supérieure à 50 % de la surface totale végétalisée ;

- D : végétation à dominante de vivaces herbacées, à bulbes et graminées avec massifs ponctuels de vivaces ligneuses et/ou arbustives (hauteur inférieure à 1,5 m) sur une surface supérieure à 20 % de la surface totale végétalisée ;

- E : végétation présentant les strates de la classe D avec en plus une présence significative d’arbres et d’arbustes (hauteur supérieure à 1,5 m à maturité) sur une surface supérieure à 20 % de la surface totale végétalisée.

 

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(c) L. Blossier / BMISiplast - Les bienfaits sur la santé et le bien être d'une vue sur un espace végétale sont aujourd'hui reconnus.

Ce référentiel a donc aussi une vocation pédagogique pour pousser à une montée en qualité progressive des procédés mis en œuvre. C’est pourquoi, « chaque thématique présente, en tant que besoin, le principe énonçant les bénéfices recherchés, l’objectif de chaque indicateur, la description des résultats visés, la performance attendue pour les atteindre, les méthodes d’évaluation et des recommandations, conseils et suggestions pour aller plus loin dans la performance des systèmes ».

En matière de définitions de systèmes de toiture justement, l’Adivet est allée plus loin que celles des Règles professionnelles (RP) pour la conception et la réalisation des toitures-terrasses végétalisées de 2018. « Ces dernières ne prennent en compte que l’épaisseur de substrat et la palette végétale. Or nous savons que plusieurs autres critères entrent en jeu lorsque l’on parle performance et notamment la variété des strates », rappelle la déléguée générale de l’Adivet. L’organisme a donc ajouté des données complémentaires en cohérence avec les RP pour aboutir à cinq familles de référence A, B, C, D, E et F (voir encadré).

Zoom sur… les performances de la toiture végétalisée en matière de lutte contre les îlots de chaleur urbains

Pour caractériser les qualités d’une toiture végétalisée en matière de lutte contre les îlots de chaleur urbains, le référentiel considère son niveau d’évapotranspiration calculé à partir du type de végétation plantée, la capacité de rétention d’eau du substrat, la présence (ou non) de structures de stockage d’eau destinées à l’arrosage et d’un système d’irrigation de soutien. Par exemple, une végétation de type A fait gagner un point tandis qu’une végétation de type E récolte cinq points (voir encadré).

 

Check-list

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(c) Ecovgétal - Le but du référentiel est aussi de faire comprendre que les performances d'une toiture végétalisée sont liées à sa conception en fonction des objectifs visés.

Mises bout à bout, l’ensemble des données renseignées aboutissent à la définition d’un Green Roof Score. Ce dernier peut être utilisé par les acteurs de la certification et de la labellisation, en l’intégrant par exemple dans leur grille d’analyse, par les pouvoirs publics qui peuvent le considérer comme une base d’objectifs à atteindre, par les fabricants pour le développement de solutions innovantes et évidemment, par les maîtres d’ouvrage et les professionnels de la conception, de l’installation et de l’entretien. Le Green Roof Score peut servir de « check list » des bénéfices écosystémiques des toitures végétalisées pour en anticiper la conception en fonction des objectifs et priorités affichés et les promouvoir auprès des différents acteurs concernés.

Zoom sur… les performances de la toiture végétalisée sur la santé et le bien-être

Les bienfaits de la présence d’espaces de nature en ville sur la santé et le bien-être des usagers ont été démontrés scientifiquement par plusieurs études. Néanmoins, « ses effets sont les plus complexes à évaluer car ils sont par essence subjectifs, souligne Sophie Rousset-Rouvière, déléguée générale de l’Adivet. L’objectif n’est pas ici de mesurer de combien de % la végétalisation de toiture permet de diminuer les risques de problèmes physiologiques ou psychiques mais de valoriser les infrastructures vertes en ce qu’elles apportent de bénéfique pour la santé et le bien-être selon des indicateurs concrets. »

Le référentiel a retenu trois critères, deux intégrant la conception biophilique en lien avec d’une part la visibilité de la toiture et d’autre part son accessibilité et le troisième : l’acoustique. Des points bonus peuvent être attribués lorsqu’au minimum 10 % de la surface végétalisée est dédiée à la production alimentaire.

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(c) Topager - Le référentiel est amené à évoluer dans le temps en fonction des retours d'expérience et des progrès techniques.

Le document actuellement disponible constitue une première version amenée à être mise à jour « en fonction des retours de terrain et de l’évolution de la recherche dans le domaine ». Avec toujours la même philosophie comme l’explique Sophie Rousset-Rouvière : « cette grille d’analyse est autoportante et partageable, sans démarche commerciale associée. » Prochaine étape : décliner le référentiel dans une version digitale qui simulera la toiture en fonction des critères définis et l’assortira de recommandations.

Végétalisation et biodiversité : trois questions à Frédéric Madre, président de l’Adivet

Étanchéité.Info Quelles sont les conditions favorables à la biodiversité en toiture ?

Frédéric Madre Le type de végétalisation, la diversité des strates végétales installées, l’épaisseur et la qualité du substrat constituent les prérequis reconnus. L’utilisation de plantes locales et les variations d’épaisseurs de substrat sont aussi des critères permettant de multiplier les niches écologiques et d’avoir ainsi plus d’espèces sauvages qui viendront habiter ces espaces. On peut aussi ajouter des aménagements spécifiques pour la biodiversité tels que les nichoirs et autres abris à faune.

E.I. Comment mesure-t-on la biodiversité en toiture ?

F.M. Contrairement à des services tels que la gestion des eaux pluviales, la mesure de la biodiversité ne peut être réalisée en amont d’un projet. Il faudrait faire intervenir des écologues au cours de la vie du projet pour le constater réellement. Cela fait néanmoins plus de dix ans que des données sont collectées, dessinant les contours du potentiel de développement de la biodiversité sur une toiture-terrasse en fonction de ses caractéristiques. Les études issues de l’analyse de ces données ont servi de base à la rédaction du référentiel. Nous avons en outre mis au point un coefficient de biotope surfacique (CBS) dédié aux toitures végétalisées : le CBS-TTV.

E.I. Pourquoi ?

F.M. Le CBS a été créé au départ pour évaluer les niveaux de désimperméabilisation des projets d’aménagements en fonction de la proportion d’espaces végétalisés et du type d’espaces. Le CBS+ a ensuite été créé en lien avec le potentiel d’accueil de biodiversité de ces différents espaces. Ces CBS se mesurent à la parcelle et prennent principalement en compte l’épaisseur du support de culture. C’est pourquoi la pleine terre constitue le palier le plus élevé. Ces coefficients restent arbitraires dans certains PLU et ne prennent pas suffisamment en compte les différentes solutions de végétalisation de toiture existantes.

Nous les avons donc affinés en intégrant également la nature du couvert végétal avec la présence de différentes strates. Cinq classes ont ainsi été définies. Nous avons volontairement attribué un coefficient faible pour les végétalisations à base de sedum, même si les épaisseurs de substrat sont importantes car l’on sait aujourd’hui que ce n’est pas suffisant pour accueillir la biodiversité. Mieux vaut multiplier les strates végétales et la diversité des espèces plantées, même sur des épaisseurs relativement faibles (entre 15 et 20 cm en moyenne par exemple).

 

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