La parution de Règles professionnelles va permettre d'uniformiser les pratiques.
Les toitures-terrasses parkings sont particulièrement sollicitées par la circulation et le stationnement des véhicules. Elles doivent, par conséquent, faire l’objet d’une conception spécifique adaptée, qu’il s’agisse du gros œuvre en béton, du complexe d’étanchéité, de sa protection et de sa finition. Les Règles de l’art applicables à la structure et l’élément porteur sont définies dans le NF DTU 20.12 « Gros œuvre en maçonnerie des toitures destinées à recevoir un revêtement d'étanchéité » (voir encadré). En revanche, les systèmes d’étanchéité décrits dans le NF DTU 43.1 « Etanchéité des toitures-terrasses et toitures inclinées avec éléments porteurs en maçonnerie en climat de plaine » et dans le NF DTU 43.11 « Etanchéité des toitures-terrasses et toitures inclinées avec éléments porteurs en maçonnerie en climat de montagne », soit les systèmes tout asphalte 15+25 (complexe indépendant avec 15 mm d’asphalte sablé et 25 mm d’asphalte gravillonné) et ceux intégrant un système bitumineux associé à une protection dure en béton, sont rarement utilisés aujourd’hui (sauf si la toiture est isolée ou accessible aux véhicules lourds, voir encadré). « Depuis plus de 10 ans que je réalise des toitures parkings, les procédés tout asphalte sont peu demandés », explique Mamadou Barry, responsable du service travaux pour l’entreprise d’étanchéité Chapelec.
L’essentiel du marché est tenu par des systèmes mixtes, au sein desquels la couche d’asphalte de 15 mm disparaît au profit d’un complexe bitumineux monocouche (uniquement sous asphalte) ou bicouche. Par-dessus, une épaisseur de 25 mm d’asphalte ou d’au minimum 50 mm d’enrobés bitumineux. « L’asphalte joue à la fois un rôle d’étanchéité, de protection de la membrane et de couche de roulement. L’enrobé assure, quant à lui, ces deux dernières fonctions sans participer à l’étanchéité », précise Alain Decorniquet, directeur technique de l’entreprise d’étanchéité Smac et président du comité technique du groupement « asphalte » de la CSFE. Autres possibilités : avoir recours à un Système d’étanchéité liquide (SEL).
AVIS TECHNIQUES ET CAHIERS DE CHARGES
La raison de ce désamour pour les « vieux » systèmes ? « Les complexes actuels sont plus simples à poser, moins lourds et économiquement plus avantageux », justifie Filipe Ferreira, responsable du bureau d’études de Chapelec. De plus, « dans le cas de l’asphalte, les matériaux fabriqués aujourd’hui ont évolué et ne correspondent plus à ceux décrits dans les NF DTU », souligne Ismaïl Cavagnol, responsable matériaux bitumineux et génie civil au sein de la direction technique et innovation de Smac. Cette désaffection pose une question de taille : si le NF DTU 43.1 est obsolète, vers quels référentiels se tourner ? Pour le moment, vers les Avis techniques (procédés mixtes feuille bitumineuse + asphalte) et les cahiers des charges en vigueur (procédés mixtes feuille bitumineuse + enrobé). Seules les solutions SEL disposent d’un document collectif depuis 2014 : les Règles professionnelles relatives aux « travaux d’étanchéité à l’eau pour l’application de systèmes d’étanchéité liquide sur les dalles parking », rédigées par le groupement de spécialité SEL de la Chambre syndicale française de l’étanchéité (CSFE).
Pour pallier ce manque de référentiel, la CSFE travaille actuellement à la rédaction de Règles professionnelles (RP) applicables aux « toitures-terrasses accessibles aux véhicules sans isolation thermique, étanchéité par systèmes à base d’asphalte » et aux « toitures-terrasses accessibles aux véhicules, étanchéité par système à base de feuilles bitumineuses avec protection par enrobés bitumineux ». Rédigées par des groupes de travail dédiés, leur parution est prévue pour 2020. « Nous allons, à terme, disposer de référentiels techniques propres à chacun des procédés existants en matière d’étanchéité de parkings », rappelle Alain Decorniquet.
PRECONISATIONS
La rédaction de ces RP n’est pas encore achevée. Leur état d’avancement est néanmoins suffisant pour en présenter les grandes lignes. Certaines préconisations sont communes aux deux documents. Aucune, comme d’ailleurs les RP SEL, ne vise les toitures isolées ni les membranes synthétiques. Les toitures-terrasses accessibles aux véhicules y sont classées selon l’usage. Si la distinction entre véhicule léger et véhicule lourd était déjà réalisée dans les NF DTU 43.1 et 43.11*, les RP y ajoutent les caractéristiques d’intensité du trafic (normal ou intense) qui vont permettre notamment d’adapter la résistance mécanique du système d’étanchéité, son mode de liaisonnement et sa protection. « Ce critère participera au choix du procédé, monocouche ou bicouche, en adhérence totale ou en semi-indépendance », souligne Laurent Joret, directeur technique chez Soprema et animateur du groupe de travail « RP protection par enrobés bitumineux » de la CSFE. « La semi-indépendance est plus simple à réaliser et favorise la diffusion des gaz pouvant remonter de l’élément porteur en béton. Elle est également plus tolérante vis-à-vis d’éventuels défauts de planéité du support. En revanche, une fuite sera plus difficile à localiser qu’avec une adhérence totale. Cette dernière sera privilégiée en cas de présence de locaux nobles en-dessous ou si des équipements lourds ou difficilement démontables sont rapportés en toiture », souligne Claire Racapé, directrice du développement chez Siplast. Le texte intègre, en outre, des tableaux précisant les caractéristiques exigibles aux différents éléments des procédés (primaire, étanchéité, protection, couche de roulement) suivant les conditions imposées à la toiture.
Enfin, elles rappellent les préconisations de mise en œuvre des points singuliers (relevés, évacuations des eaux pluviales, traitement des poteaux de candélabres…), les exigences propres à la rénovation, notamment en matière de charges rapportées et de mise en adéquation de la pente. L’entretien et la dévolution des travaux font également chacun l’objet d’un chapitre dédié. Reste les joints de dilatation qui constituent encore et toujours un ouvrage particulier. Chaque industriel ou entreprise disposant de son propre procédé, il est difficile de se mettre d’accord sur des préconisations communes (voir fiche pratique p. XX). Résultats : les textes renvoient systématiquement aux Avis techniques des systèmes.
*Sont considérés comme légers les véhicules de moins de 3,5 t et dont la charge par essieu est inférieure à 2 t. Les véhicules lourds ont un poids supérieur à 3,5 t et la charge par essieu est comprise entre 2 et 13 t.
Le gros œuvre
En matière de gros œuvre, « les éléments porteurs sont les éléments de type A, B et D définis dans le NF DTU 20.12 pour les toitures accessibles aux véhicules et bacs métalliques collaborants sous Avis technique visant cette application », décrivent les Règles professionnelles, avec certaines limitations pour l’élément porteur de type D*. Les niveaux de pente sont précisés et font, contrairement à la norme, le distinguo entre partie courante, places de stationnement, accès et places pour personnes à mobilité réduite… La préparation du support fait l’objet d’une attention particulière car elle participe à la bonne adhérence de la membrane d’étanchéité sur l’élément porteur. « Pour s’en assurer, nous avons introduit dans les RP le grenaillage obligatoire de la surface de l’élément porteur », précise Laurent Joret, directeur technique chez Soprema.
*Les éléments porteurs de type D tels que définis dans le NF DTU 20.12 sont réalisés à partir d’éléments préfabriqués en béton armé ou précontraint posés jointifs et solidarisés par des clés continues en béton complétés par une dalle collaborante rapportée en béton armé pour l’accessibilité véhicules.
Les terrasses-parkings isolées
Les Règles professionnelles à paraître ne visent pas l’isolation thermique des toitures-terrasses parkings. Une isolation n’est nécessaire que si l’ouvrage se trouve au-dessus de locaux chauffés. Le choix de l’isolant dépend de son positionnement dans le complexe. En pose classique, il sera exclusivement en verre cellulaire ou en perlite et associé à un pare-vapeur. En cas d’isolation inversée, seul le polystyrène extrudé est admissible. « Dans tous les cas, le complexe d’étanchéité doit être protégé par une dalle béton, éventuellement complétée par une couche d’usure en asphalte ou en enrobé », rappelle Alain Decorniquet, directeur technique chez Smac.
L’évolution des procédés asphalte
Un des premiers systèmes d’étanchéité en asphalte était composé de 5 mm d’asphalte pur, 15 mm d’asphalte sablé et 20 mm d’asphalte gravillonné. D’où son surnom de 5+15+20. Mis en œuvre en indépendance au niveau du support et de la couche de protection, il laissait passer l’eau entre l’étanchéité et la protection, ce qui provoquait l’apparition de cloques. En 1969, l’entreprise Smac dépose le brevet d’un complexe nouveau : le B3A pour « Bitume Armé, Aluminium, Asphalte ». L’idée : couler l’asphalte directement sur une feuille d’étanchéité soudée au support. « Pour éviter que la chaleur de l’asphalte ne fasse migrer le bitume de la feuille, nous lui avons ajouté une autoprotection en aluminium 16/10e. Les joints étaient pontés avec un adhésif en papier kraft », explique Alain Decorniquet. Dans les années 1990, le brevet du B3A tombe dans le domaine public. L’entreprise se lance alors dans une nouvelle innovation toujours utilisée aujourd’hui : supprimer la feuille d’aluminium tout en empêchant la remontée du liant bitumineux dans l’asphalte.