
« La toiture représente entre 3 et 5 % de l’Impact carbone d’un bâtiment collectif R+4 »
Entretien avec David Lebannier responsable de l’activité conseil du pôle construction pour Pouget Consultants.
Quels sont les impacts des toitures-terrasses sur les nouveaux indicateurs Bbio (besoins bioclimatiques) et DH (confort d’été) ?
Pour l’indicateur thermique Bbio, dont le niveau est désormais celui de la RT2012 moins 30 %, nous avons évalué les prestations d’un bâtiment de logements collectifs type. Dans le cas où les ponts thermiques sont traités, tous les modes constructifs actuels permettent de respecter les seuils. À noter cependant un surcoût global d’environ 30 € par mètre carré SHAB.
Nous avons ensuite comparé la performance du Bbio pour deux types de solutions constructives : « toitures-terrasses » et « couvertures (toitures en pente) ». Nous ne constatons pas de différence majeure pour les bâtiments localisés dans les trois-quarts nord de la France. En revanche, la forte inertie de la toiture-terrasse avec un élément porteur en béton constitue un réel atout sur le pourtour méditerranéen (région H3). Dans ce cas, l’indicateur Degré-heure (DH) qui caractérise le confort d’été, présente une meilleure performance pour les « toitures-terrasses » que pour les « couvertures (toitures en pente) ».
L’évolution la plus radicale de la RE2020 reste l’indicateur carbone (Ic)...
Oui et c’est un vrai sujet de questionnement notamment pour les industriels. L’impact carbone est calculé sur la base de deux indicateurs : l’Ic Énergie et l’Ic Construction. Ce dernier, qui impactera la filière étanchéité, est caractérisé par l’ensemble des impacts carbone des matériaux et des équipements qui composent le bâtiment. Ainsi pour une toiture-terrasse, la protection, les couvertines, les bandes solins, les relevés… seront pris en compte en plus du pare-vapeur, de l’isolant, des fixations et de la membrane.
L’Ic est évalué à partir des données disponibles dans les Fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). Elles peuvent être individuelles lorsqu’elles portent sur un produit spécifique d’un fabriquant ou collectives lorsqu’elles regroupent plusieurs références commerciales d’un même produit. Elles sont disponibles sur la base Inies (www.inies.fr).
Il est également important de noter que lorsque les produits ne bénéficient pas de FDES collectives ou individuelles, des Données environnementales par défaut (DED) sont prises en compte pour le calcul du poids carbone. Leurs valeurs sont deux à trois fois plus élevées que celles d’une FDES individuelle ou collective et par conséquent très pénalisantes. L’objectif est effectivement de motiver les industriels à établir des FDES pour leurs produits. En leur absence, les résultats ne sont pour l’instant pas représentatifs de la réalité.
Nous avons étudié deux types d’ouvrage, selon donc configurations : avec toiture plate et avec couverture (toiture en pente). Le premier est un bâtiment de 32 logements collectifs en R+4 de 1 884 m² et le deuxième une maison individuelle de 83 m² en R +1. Par ailleurs, d’autres paramètres sont entrés en ligne de compte tels que la nature de l’élément porteur, la protection d’étanchéité, les éléments de couverture…
Quelles sont vos conclusions concernant le bâtiment collectif ?
L’impact carbone d’une toiture représente entre 3 à 5 % de l’Ic Construction du bâtiment, quel que soit le type de toiture mis en œuvre.
Nous avons également mis en lumière que la présence d’une dalle béton pénalise l’Ic Construction des ouvrages. Par exemple, le poids carbone d’une toiture-terrasse sur un élément porteur en béton est presque 30 fois supérieur à celui d’une toiture-terrasse sur un élément porteur en panneaux de bois CLT. Cet écart est en partie lié à la méthode de l’Analyse de cycle de vie (ACV) dynamique qui valorise les matériaux stockant du carbone tel que le bois.
Qu’en est-il de la maison individuelle ? Qu’en est-il du système d’étanchéité stricto sensu ?
Les différentes typologies de revêtements d’étanchéité présentent des poids carbone similaires. Ce constat est identique pour les isolants « traditionnels ». Seuls les isolants biosourcés bénéficient d’un poids carbone plus faible. Nous avons noté que c’est surtout le choix de la protection de l’étanchéité qui peut peser de manière très importante sur la performance globale du système. Ainsi, le poids carbone des platelages bois est négatif et celui de la couche gravillonnée faible. En revanche, les systèmes tels que la végétalisation, les dalles céramiques sur plots ou les dalles en béton sont actuellement pénalisés.
Pourquoi ?
C’est notamment, à quelques exceptions près, parce que ces procédés ne disposent pas de FDES individuelles ou collectives. Les calculs d’Ic sont donc réalisés à partir de DED. De plus, la RE2020 n’encadre pas les sujets de gestion des eaux pluviales ou de biodiversité, donc les bénéfices de la végétalisation sur ces aspects n’ont pas d’incidence dans les calculs.
Sur quels leviers peuvent jouer les industriels pour diminuer l’Ic Construction ?
Il faut avant tout qu’ils rédigent, pour ceux qui n’en ont pas, les FDES individuelle ou collective pour l’ensemble de leurs produits. Développer les protections d’étanchéité en bois, les isolants biosourcés… pourrait également être des pistes de réflexion, tout comme l’optimisation des process de fabrication.
Et les entreprises ?
En amont des chantiers, les bureaux d’études auront défini les objectifs d’Ic de la construction à partir des hypothèses convenues avec le maître d’ouvrage et des fiches individuelles et collectives disponibles de produits. Les entreprises auront à les respecter. Les variantes seront soumises à leur compatibilité avec les objectifs d’émissions de carbone. Tout changement de produit imposera une reprise des calculs. Dans le cas où il existe des données environnementales « collectives », les variantes en phase d’exécution en seront simplifiées, si tant est que l’entreprise propose un produit couvert par cette fiche collective. Les entreprises vont donc devoir s’approprier la méthode de réalisation des ACV. Pour les accompagner dans ces démarches, la CSFE nous a demandé de concevoir un outil d’aide au calcul de ces variantes.
Les seuils de l’Ic étant amenés à baisser tous les trois ans, de quelle manière devront évoluer les systèmes constructifs ?
Les objectifs d’émission de CO2 des matériaux seront revus tous les trois ans pour permettre une adaptation progressive de la filière. Durant la période 2022-2024, tous les procédés actuels vont demeurer compatibles avec la RE2020. Cette période sera surtout propice à la rédaction de FDES individuelles ou collectives.
À partir de 2025, les industriels réduiront l’impact environnemental de leurs produits en optimisant notamment leurs produits ou leur processus de production (diminution des consommations d’énergie, incorporation de matières recyclées, béton bas carbone, …).
Finalement, si à court terme, la RE2020 n’entrainera que très peu de changement des modes constructifs, à moyen terme, elle permettra aux entreprises d’étanchéité de proposer des complexes de toitures terrasses plus écoresponsables.
RE2020 : la CSFE se mobilise pour accompagner ses adhérents
« La nouvelle réglementation environnementale RE2020, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2022, s’inscrit dans la lutte contre le dérèglement climatique. Le monde du bâtiment se prépare à relever ce défi écologique en concentrant ses efforts sur les nouveaux enjeux : la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments, la performance énergétique et l’amélioration du confort d’été. Dans ce contexte, la CSFE a mandaté le bureau d’études Pouget Consultants pour évaluer l’impact de la RE2020 pour la profession de l’étanchéité. D’autres documents et outils sont à venir afin de compléter les éléments de réponse apportés par cette première analyse », explique Gérald Faure, président de la CSFE.
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