La date d’application de la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments neufs n’est pas encore définie. (Architecte : Architecte  Atelier 4) (c) Serge Quattocch / Bruno Mader Architecte / Studio 4
La date d’application de la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments neufs n’est pas encore définie. (Architecte : Architecte Atelier 4)
La préparation de la future réglementation environnementale cumule les premières fois, tant en termes de contenu que de méthodologie. Intégration obligatoire du calcul des émissions de CO2, expérimentation in situ, collaboration inédite entre tous les acteurs du secteur, publics comme privés…. Avec un enjeu de taille : réduire l’empreinte environnementale des bâtiments.

Le monde de la construction est en pleine ébullition. Pour la première fois, les professionnels du secteur sont partie prenante de la préparation de la future réglementation applicable aux bâtiments neufs, en partenariat avec les pouvoirs publics. Celle-ci ne sera plus seulement thermique, comme on en a l’habitude depuis 1974, mais aussi environnementale. Elle ne prendra plus en compte uniquement les consommations énergétiques des ouvrages mais également leur empreinte carbone. « Nous sommes parmi les tous premiers en Europe à passer par la voie réglementaire donc obligatoire. Ailleurs, elle relève du volontariat », précise Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction au sein de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), chargée d'élaborer la future réglementation pour l’Etat. Pour en définir les contours, une vaste opération de tests grandeur nature d’un référentiel baptisé E+C- (E pour « énergie » et C pour « carbone »), a été lancée en 2016. « Nous avons proposé aux maîtres d’ouvrage de soumettre leur bâtiment à l’étude, poursuit Emmanuel Acchiardi. Cette collaboration est inédite : nous ne sommes jamais allés aussi loin dans la co-construction d’une méthode d’évaluation et de son appropriation puis de la préparation d'un texte réglementaire. »

Après un démarrage un peu difficile, ce sont, à la fin mai 2019, 903 bâtiments qui ont été évalués (et notés E et C) dont 128 bâtiments tertiaires (voir encadré). A l’heure où vous lisez ces lignes, ces chiffres auront certainement encore augmenté. Rassemblés au sein de l’Observatoire « bâtiment énergie-carbone », ils vont permettre d’affiner la méthode d’évaluation et les niveaux de seuils des indicateurs exigibles lors de la rédaction du texte réglementaire. « Ces derniers devraient être fixés après la finalisation de la méthode d’ici la fin de l’année 2019 », précise Caroline Lestournelle, présidente de la commission environnement de l’Association des Industries de Produits de Construction (AIMCC) et secrétaire générale du FILMM, syndicat national des professionnels de l’isolation en laine minérale. « L’analyse porte également sur les coûts. La réglementation environnementale ne pourra être viable si les efforts financiers sont trop importants », précise Emmanuel Acchiardi.

Délais serrés

Il est donc encore tôt pour se prononcer sur le détail de la réglementation mais il ne faudrait pas trop tarder non plus. L’article 181 de la loi Elan de novembre 2018 impose en effet une application de la Réglementation environnementale (RE) à l’horizon 2020. Ce calendrier ambitieux apparaît compliqué à suivre pour le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) qui rassemble, entre autres, les représentants des organismes professionnels. Partenaire de la DHUP, il a récemment émis quelques réserves sur la date annoncée. « Confondre vitesse et précipitation conduirait à une réglementation inapplicable et inefficace alors que l’urgence climatique nous impose de réussir, indiquait son président Thierry Repentin, président de l’organisme, le 14 mai dernier. Nous sollicitons donc le gouvernement pour que 2020 soit avant tout l’année de la publication des textes et non celle de l’entrée en vigueur de cette réglementation qui vient bousculer tous les codes. »

En effet, avec la RE 2020, il va falloir changer ses habitudes. Jusqu’alors, réglementairement, « performances des bâtiments » rimait essentiellement avec « efficacité énergétique ». Dans ce domaine, les solutions techniques sont aujourd’hui globalement maîtrisées tant en termes de règles de calculs que de systèmes constructifs et d’équipements. Néanmoins, des progrès peuvent encore être réalisés, « d’autant plus que les postes pris en compte dans l’expérimentation ne sont plus limités aux cinq usages de la RT 2012 (chauffage, climatisation, éclairage, eau chaude sanitaire et auxiliaires dont la ventilation). D’autres types de consommations, mobilières et immobilières comme les ascenseurs, la bureautique ou l’électroménager, sont également intégrés aux calculs », rappelle Sabrina Talon, chef du groupe bâtiment et acoustique au Cerema. De plus, « considérant que les niveaux définis par E+C- seront plus élevés que ceux de la RT 2012, il faudra aller plus loin et cela passe, entre autres, par des niveaux d’isolation de l’enveloppe plus élevés. L’expérimentation raisonne à partir d’une durée de vie conventionnelle de l’ouvrage de 50 ans. A cette échelle, l’augmentation des épaisseurs d’isolant fait plus gagner en énergie qu’elle ne fait perdre en carbone », précise Nathalie Tchang, présidente du bureau d’études Tribu Energie.

Les produits : les plus émetteurs de CO2

C’est cette dimension carbone justement qui pose le plus de questions. Moins connue, elle demande d’appréhender l’ouvrage à travers son Analyse du cycle de vie (ACV) qui précise, entre autres, les quantités de gaz à effet de serre (CO2 surtout) émises lors de sa construction, de son exploitation et de sa déconstruction. Des données qui, jusqu’alors n’étaient que très peu demandées… et donc rarement calculées. Une première approche avait été réalisée en 2012 avec le lancement des opérations HQE Performance 1 puis 2. « A l’époque, nous avions constaté que les produits de construction représentaient le gros du bilan. Quand on sait que le bâtiment représente plus de 20 % du total des émissions de CO2 en France, ériger des ouvrages à faible consommation énergétique perd son sens si son ACV montre de mauvais résultats sur les émissions de gaz à effet de serre », insiste Julien Hans, directeur énergie-environnement du CSTB.

L’ensemble des professionnels de la construction est concerné par cette évolution majeure. Les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre doivent, dès la phase conception, intégrer cette problématique dans leurs choix des modes et systèmes constructifs. Pour cela, elles vont compter sur les industriels pour leur fournir des Fiches de déclaration environnementale et sanitaire de leurs produits (FDES, PEP pour les équipements), renseignant sur leurs émissions de CO2 tout au long de leur cycle de vie. Les entreprises, quant à elles, assureront la qualité de la mise en œuvre, sans quoi la meilleure des conceptions ne vaut pas grand-chose. « Elles devront également être en mesure de conseiller les maîtres d’œuvre sur les solutions techniques et leurs performances », précise Jean Passini, président du groupe H2E et de la commission environnement et construction durable à la FFB. Enfin, un usage adapté des locaux par les utilisateurs ainsi que la fin de vie des matériaux et équipements seront prise en compte.

Pour boucler ce cercle vertueux, le secteur de la construction devrait connaître une montée en compétences généralisée de ses acteurs. Charge à chacun de l’anticiper pour être fin prêt le moment venu. Et rester compétitif.

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Bilan carbone : les industriels en première ligne

Le référentiel Energie Carbone

Energie 1 et 2 : sobriété et efficacité énergétique et / ou recours aux EnR notamment la chaleur renouvelable.

- Résidentiel : entre -5 et -10 % de la réduction des consommations non renouvelables par rapport à la RT 2012.

- Bureaux : entre -15 et -30 % de réduction.

Energie 3 : sobriété et efficacité énergétique et recours aux EnR pour les besoins du bâtiment.

- Résidentiel : 20 % de réduction des consommations et recours à 20 kWh/m².an aux EnR.

- Bureaux : 40 % de réduction des consommations et recours à 40 kWh/m².an aux EnR.

Energie 4 : bâtiment producteur et production EnR équivalente aux consommations non renouvelables sur tous les usages du bâtiment.

Les niveaux E3 et E4 ouvrent les droits au bonus de constructibilité.

• Carbone 1 : les leviers de réduction de l’empreinte carbone sont à répartir entre les consommations énergétiques et le choix des matériaux. Aucun mode constructif ni vecteur énergétique n’est exclu.

• Carbone 2 :

- Ambition renforcée sur le CO2 avec le respect a minima du niveau E1.

- Pour atteindre ce niveau, il faudra renforcer le travail de réduction de l’empreinte carbone du bâtiment en travaillant à la fois sur l’énergie consommée et le choix des matériaux.

- Le bonus de constructibilité est octroyé sur la base du niveau C2.