Propos recueillis par Adeline Dionisi
Etanchéité.Info Quels sont les principaux enjeux auxquels sont confrontés les promoteurs immobiliers ?
Ludovic Scarpari La préparation de la future réglementation environnementale (RE) 2020 est clairement le principal sujet de réflexion des Constructeurs et aménageurs de la Fédération française du bâtiment (LCA-FFB) depuis plusieurs mois. Pour cela, nous participons activement à l’expérimentation E+C-. Nous sommes en contact permanent avec la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) qui la pilote. Nos adhérents ont également soumis à l’étude plusieurs de leurs ouvrages.
À travers ces travaux, nous veillons à ce que la future réglementation ne devienne pas, au final, une contrainte supplémentaire qui irait à l’encontre des objectifs environnementaux affichés par les pouvoirs publics.
E.I. C’est-à-dire ?
L.S. Les modalités d’application ont besoin d’être affinées afin de ne pas pénaliser certains ouvrages. Par exemple, le bilan carbone d’une maison individuelle avec aménagement extérieur ne sera pas le même selon que le terrain est plat ou en pente, selon la qualité du sol… Adapter le site à un projet peut être pénalisant alors que la surface du bâtiment, elle, ne change pas. Le raisonnement est le même pour des logements collectifs. Créer des parkings en sous-sol améliore la cadre de vie en dissimulant les véhicules et en offrant la possibilité de mettre en place des espaces verts en extérieur. Mais là encore, ces installations peuvent entraîner une augmentation des émissions de gaz à effets de serre et impacter le niveau de carbone de l’ouvrage. Il est nécessaire de pondérer les gains et les pertes pour ne pas créer de paradoxe.
L’autre réserve que l’on peut émettre concernant l’expérimentation E+C- touche l’échantillonnage des bâtiments étudiés. Il s’agit surtout de logements, individuels ou collectifs. Le tertiaire est moins représenté. On peut également se demander si les maîtres d’ouvrage participants n’ont pas soumis à l’étude que leurs bâtiments les plus performants, si l’égalité géographique est respectée, avec notamment la participation (ou non) de la construction diffuse dans les villes moyennes. La fin du dispositif Pinel et la réduction du prêt à taux zéro leur ont déjà porté préjudice. Il ne faut pas que la RE 2020 en rajoute encore.
E.I. Le toit-terrasse présente-il un atout ?
L.S. Au regard de l’expérimentation E+C-, il est difficile d’évaluer ses avantages par rapport aux toitures à pans. Je pense néanmoins qu’il présente des atouts indéniables qu’il faut valoriser. Personnellement, j’apprécie particulièrement son côté contemporain. Tout d’abord, il offre de nombreuses possibilités architecturales, même en maison individuelle, n’en déplaise à certains. Ensuite, grâce aux systèmes d’isolation actuels, en partie courante comme en acrotère, il répond présent quant aux performances thermiques de l’ouvrage en réduisant notamment bon nombre de ponts thermiques. Enfin, et surtout, il est exploitable. On peut citer le photovoltaïque bien sûr, mais les panneaux peuvent également être installés sur des toits en pente. Ses atouts en matière de gestion des eaux pluviales sont particulièrement intéressants. Les rejets au réseau sont de plus en plus limités voire interdits dans les PLU. Les différents procédés du marché permettant la rétention des eaux de pluie (végétalisation, protection gravillonnée…) répondent à ces enjeux sans utiliser d’espaces au sol. Un avantage certain en zone dense notamment, tout comme d’ailleurs son accessibilité. On peut aussi transformer un toit-terrasse en espace partagé, ce qui contribue au vivre ensemble. Le rôle de la végétalisation sur la réduction des îlots de chaleur urbains et la biodiversité joue également en sa faveur.
E.I. Les adhérents de LCA-FFB partagent-ils votre point de vue ?
Néanmoins, il est de plus en plus courant que lors de leur révision, les PLUH soient modifiés en ce sens afin justement de permettre à la toiture de jouer un rôle actif dans la ville. Dans ce cas, il est important que les promoteurs l’adoptent en tout ou partie, tout comme il est souhaitable que les pouvoirs publics se l’approprient également peu à peu.
E.I. Quels sont les autres freins auxquels le toit-terrasse se heurte ?
L.S. Le manque d’habitude de certains opérateurs, la peur de la fuite et des contraintes d’entretien. De plus, si l’on construit un immeuble avec une terrasse accessible, il faut faire preuve de pédagogie auprès des futurs acquéreurs, ceux du dernier étage notamment qui choisissent cet appartement pour n’avoir personne au-dessus. Expliquer que grâce à l’isolation, ils ne subiront pas de nuisances sonores est indispensable. Il faut changer les préjugés.
Le contexte
Diplômé de l’Ecole spéciale des travaux publics de Paris (ingénieur, 1990) et titulaire du Cesma-MBA de l’école de management de Lyon (EM Lyon, 1992), Ludovic Scarpari a d’abord travaillé chez Mistral Travaux (Aix-en-Provence) en tant qu’ingénieur technico-commercial génie civil puis a passé 10 ans à la direction générale de Scarpari SA. Depuis 2004, il est président d’Arcole Développement. Il préside également In’li Aura, filiale en Auvergne-Rhône-Alpes d‘Action Logement Immobilier en charge de gérer et générer du logement intermédiaire. Il assure également la vice-présidence de LCA-FFB. Il y est en charge des promoteurs.