
La suppression progressive de la notion d'intégration au bâti pour bénéficier de bonus sur les tarifs d'achat bénéficie aux procédés photovoltaïques surimposés.
La promulgation en 2015 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte a renforcé les ambitions environnementales françaises. Les consommations d'énergie devront diminuer de 38 % d'ici à 2020 et de 50 % d'ici à 2050. En 2030, il faudra également avoir réduit les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à leur niveau de 1990. Pour y parvenir, la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale devra représenter 23 % en 2020 et 32 % en 2030. Pour le moment, le compte n'y est pas. En 2015, leur poids dans la consommation finale d'énergie française était estimé à 14,9 %. « Il se situe en deçà des 17 % prévus par la trajectoire définie par la France pour remplir l'objectif 2020 », rappelle le Service de l'observation et des statistiques du ministère de l'environnement.
DE LA RT 2012 AU BEPOS
En tant que consommateur de la moitié de l'énergie finale et producteur de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, le bâtiment constitue un levier d'action important pour répondre à ces nouveaux objectifs. Jusqu'à maintenant, la RT 2012 privilégiait la réduction des consommations énergétiques des ouvrages. Isolation, chauffage et ventilation concentraient l'essentiel des efforts. Bientôt, les bâtiments devront non seulement consommer peu d'énergie mais aussi en produire et présenter une faible empreinte carbone sur l'ensemble de leur cycle de vie. Ce bâtiment à énergie positive (Bepos) pourrait même devenir la règle, imposée par la prochaine réglementation thermique de 2020.
Pourra-t-on alors se passer du photovoltaïque en toiture ? Cette source d'énergie renouvelable est en effet la plus adaptée à une intégration à l'ouvrage et plus particulièrement sur le toit. Espace disponible là où la surface au sol manque, il accueille facilement des panneaux solaires. L'idée n'est évidemment pas nouvelle. Les systèmes techniques existent depuis plus de dix ans et les plus importants niveaux de puissance de raccordement ont été réalisés au début des années 2010, à l'heure où le secteur était en pleine euphorie. La chute a été brutale mais le marché reprend peu à peu (voir encadré).
ÉVOLUTION DES RÈGLES
Conscients du potentiel qu'offre le couple photovoltaïque-bâtiment, les pouvoirs publics cherchent à l'encadrer tout en proposant un environnement réglementaire, économique et technique favorable à son développement. Depuis 2016, l'État a redéfini les conditions et les critères des différents systèmes d'appels d'offres sur la réalisation et l'exploitation d'installation de production d'électricité photovoltaïque. Une vingtaine sont ainsi prévus dans les trois années à venir, en fonction notamment de la puissance et du mode d'installation.
Certains sont réservés aux projets en autoconsommation, nouvelle pratique pleine d'avenir, également valorisée par l'arrêté tarifaire du 9 mai dernier qui lui attribue des primes spécifiques ( voir encadré ). Ce texte encourage aussi le développement des installations de petites surfaces (moins de 100 kWc). Par exemple, la notion d'intégration au bâti des systèmes, qui sous-tend l'éligibilité aux bonus des tarifs de rachat de l'électricité, s'élargit aux procédés surimposés sur toitures plates. Elle disparaîtra ensuite progressivement d'ici au 30 septembre 2018 pour laisser la place à une palette plus large de techniques.
Enfin, l'article 86 de la loi biodiversité d'août 2016 oblige les nouveaux centres commerciaux de plus de 1 000 m² à intégrer des procédés de production d'énergies renouvelables ou d'un système de végétalisation.
En parallèle, pour apprécier la faisabilité technique et la soutenabilité économique de ces bâtiments nouvelles génération, l'État a lancé en novembre 2016 l'expérimentation E+C-. L'analyse des retours d'expérience aboutira, dans un second temps, à définir les contours de la future réglementation thermique.
NIVEAUX DE PERFORMANCE
L'expérimentation fixe quatre niveaux de performance énergétique des bâtiments Bepos. « Les deux premiers présentent des exigences améliorées par rapport à la RT 2012 , explique Rodrigue Leclech, responsable du pôle construction du bureau d'études Pouget Consultants. Pour atteindre les seuils 3 et 4, les performances exigées sont telles que l'intégration d'une source de production d'énergie renouvelable ou d'un réseau de chaleur vertueux devient indispensable. » Et encore, le résultat n'est pas garanti. La société de conseil TBC Innovations a analysé un cas d'étude en maison individuelle. Publiés en juin 2017, les résultats montrent que pour remplir le cahier des charges du niveau Énergie 4, la surface de panneaux photovoltaïques à installer est telle qu'elle devient supérieure à celle du toit. Pour l'augmenter, il faut revoir la conception architecturale et opter pour une toiture-terrasse. « Dans le logement collectif également, remplir ces exigences apparaît compliqué. Sur des bâtiments de plusieurs étages, la surface en toiture devient rapidement trop petite par rapport au volume de l'immeuble », souligne Rodrigue Leclech. En revanche, d'autres types d'ouvrages s'y prêtent beaucoup mieux. Les petits bâtiments à toit plat peuvent trouver un équilibre satisfaisant. Les principaux intéressés sont surtout les grands ouvrages de plain-pied comme les centres commerciaux, les plateformes logistiques ou les locaux industriels qui présentent de vastes toitures-terrasses comparées à leur surface totale. Cette configuration adaptée permet au projet photovoltaïque de devenir rentable. L'argument prend d'autant plus de poids que le marché sort d'une crise importante suite à des évolutions tarifaires mais aussi techniques tourmentées.
Cette nouvelle compétitivité des systèmes associée à un cadre réglementaire plus favorable joue en faveur du photovoltaïque en toiture-terrasse. Pour conforter le mouvement, les procédés mis à disposition doivent être techniquement fiables. Or, il faut reconnaître que ça n'a pas toujours été le cas.
« Pour atteindre les seuils 3 et 4 de l'expérimentation E+C-, les performances exigées sont telles que l'intégration d'une source de production d'énergie renouvelable ou d'un réseau de chaleur vertueux devient indispensable. »
MISE EN OBSERVATION
Depuis les années 2000, le conditionnement des bonus de tarifs d'achat à l'intégration au bâti des procédés a d'abord largement bénéficié aux modules souples. « Ils répondent à l'exigence qui veut que les panneaux solaires soient constitutifs de la toiture, parallèles au support et qu'ils participent, en association avec les autres composants de la toiture, à son étanchéité », explique Daniel Dedies, dirigeant du bureau d'études Entec, spécialisé sur les énergies renouvelables. À l'époque, les industriels de l'étanchéité lancent rapidement les premiers procédés, à commencer par 3T avec l'Evalon v-Solar. Soprasolar Duo (Soprasolar), Excelflex Solar (Smac)… suivent, validés par des Avis techniques. « C es produits, sur le marché depuis 2008, n'ont connu aucune sinistre », rappelle Michel Drouilly, directeur technique chez Axter.
D'autres, en revanche, ont été sources de nombreux dommages. En effet, le dynamisme du secteur a attisé les convoitises, au détriment de la performance des systèmes. « En raison de motivations financières, des produits de mauvaise qualité ont été lancés sur le marché. Des installations ont été mises en œuvre sans vision globale de la toiture et du bâtiment », précise Grégory Kron, directeur technique à la SMABTP. « La dilatation différentielle entre les modules photovoltaïques et les membranes d'étanchéité auxquelles elles étaient associées a provoqué des délaminations et des soulèvements de cellules », explique Claire Racapé, directrice du développement chez Siplast. On déplore de nombreux cas de fuites et d'inefficacité de systèmes. Si bien qu'en janvier 2018, 14 systèmes de ce type pourraient être mis en observation par le Commission prévention produits mis en œuvre (C2P). L'organisme, constitué d'acteurs de la construction membres de l'Agence qualité construction (AQC), a pour mission d'identifier les techniques susceptibles d'engendrer des risques de sinistres. « A près enquête qualitative et quantitative auprès des assureurs construction de la Fédération française des assurances (FFA) et des experts construction, il s'avère que les systèmes photovoltaïques intégrés en toiture sont une source de pathologies », explique-t-elle. Une généralisation discutable qui confirme néanmoins que ces procédés n'ont décidemment plus le vent en poupe. Déjà depuis 2011, la simplification de l'intégration au bâti avait ouvert les avantages financiers aux modules rigides, dans le plan de la toiture et solidaire de l'étanchéité. De nouveaux types de produits sont alors devenus concurrentiels. La filière a également redécouvert les avantages des procédés surimposés, notamment en termes de rentabilité grâce au recours au silicium poly-cristallin associé à l'orientation possible des panneaux. « Leur rendement est d'environ 14 % par mètre carré, deux fois plus que les membranes souples », rappelle Cécile Miquel, chargée de projets photovoltaïques au sein de l'association Hespul.
Aujourd'hui, les systèmes surimposés sans percement de l'étanchéité (sur plot ou avec rails filants thermo-soudés à la membrane) dominent. « Les industriels du secteur ont développé des solutions techniques complètes, intégrant des typologies d'isolant et d'étanchéité adaptées à cet usage, explique Jean Damian, dirigeant de Solardis et président du Groupement des métiers du photovoltaïque (GMPV-FFB). Si leurs performances ont été vérifiées dans le cadre des évaluations techniques en vigueur (Avis technique, A TEx de cas a), Enquêtes de technique nouvelle ), la qualité de leur mise en œuvre reste primordiale. »
RÈGLES DE L'ART
Installer des panneaux photovoltaïques en toiture-terrasse ne peut se faire au détriment de l'intégrité du bâti. La mise en œuvre de procédés implique deux lots qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble : le clos couvert et l'électricité. Il est donc nécessaire de faire preuve de pédagogie pour que les différents corps d'état considèrent les contraintes des autres. La documentation technique disponible (Recommandations professionnelles de la Chambre syndicale de l'étanchéité (CSFE), guide du GMPV-FFB, Avis techniques…) doit impérativement être prise en compte. Le respect des règles de l'art est une condition sine qua none pour un développement serein du photovoltaïque en toiture-terrasse.
Photovoltaïque : une évolution du marché en dents de scie
« Le photovoltaïque a connu des périodes chaotiques » , rappelle Cécile Miquel, chargée de projets photovoltaïques pour l'association Hespul, spécialisée dans le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. L'alternance de tarifs d'achat attractifs et prohibitifs a déstabilisé le secteur, provoquant à partir de 2006 une bulle spéculative puis son explosion en 2010 avec la publication du moratoire (décret du 9 décembre 2010). En suspendant l'obligation d'achat pour une période de trois mois pour les petits systèmes, il a fait chuter les prix en imposant des tarifs largement inférieurs et limités à un certain volume trimestriel. Pour les réguler, ils sont réévalués par décret tous les trois mois, en fonction des demandes de raccordement effectuées le trimestre précédent. 50% seulement iront jusqu'à la signature d'un contrat d'achat. Le dernier arrêté tarifaire fixant les règles d'obtention de l'obligation d'achat a été publié le 9 mai dernier. Pour les grands systèmes, le passage aux appels d'offres s'est fait après une période de carence de huit mois et l'abandon d'1 GW de projets. Les tarifs qui en ont résulté ont longtemps été supérieurs à ceux proposés pour des puissances moindres en obligation d'achat.
Bon nombre d’acteurs du secteur n’ont pas résisté à cette crise. Les projets se sont faits moins nombreux et la croissance de la puissance raccordée s’est ralentie, dans la lignée de la programmation mise en place par l’État. Ce qui explique, entre autres, les mauvais chiffres depuis la fin 2014. L’année dernière, le parc solaire a atteint une capacité installée de 6 772 MW, soit une progression de 9 % par rapport à 2015. « Il s’agit du plus faible volume annuel enregistré depuis 2009 » , soulignent les auteurs du Panorama de l’électricité renouvelable au 31 décembre 2016*. « Les porteurs de projet ont mis du temps à trouver leurs marques au milieu des nouveaux dispositifs » , explique Cécile Miquel. Les dispositions réglementaires lancées récemment pourraient débloquer la situation. « Le cumul de la puissance installée et de la puissance des projets en développement s’élève à 98 % de l’objectif 2018 (10,2 GW) », précise le Panorama de l’électricité renouvelable. Des perspectives encourageantes mais encore incertaines : le fait d’être lauréat n’est pas une condition exclusive de la réalisation de ces projets.
* RTE, le SER, Enedis et l'ADEeF
L'autoconsommation : vers un partage de la production ?
Consommer directement l’électricité produite : l’opération a de quoi séduire. Moins d’injection intermittente sur le réseau électrique, diminution des pertes de distribution et de transport, sensibilisation à la consommation… Surtout, elle pourrait permettre la redistribution de l’électricité produite à l’échelle d’un pâté d’immeubles voire d’un quartier. Une perspective d’autant plus alléchante que, grâce à l’équilibre actuel entre le prix du kWh produit et celui acheté au fournisseur d’énergie, « le principe de produire tout ou partie de sa propre électricité en autoconsommation commence par se financer lui-même », explique Jean Damian, directeur de Solardis et président du GMPV-FFB. Pour soutenir la démarche, l’État a publié un premier décret le 28 avril dernier fixant son cadre légal. Il officialise notamment la reconnaissance de l’autoconsommation collective et l’obligation pour les gestionnaires de réseau de faciliter ce type d’opérations. L’arrêté tarifaire du 9 mai 2017 instaure également une prime à l’investissement pour les installations qui revendent leur surplus. Mais le dispositif révèle encore quelques limites. Les techniques de stockage ne sont pas encore suffisamment abouties. De plus, « avec l’autoconsommation, il faut produire lorsque l’on consomme , explique Daniel Dedies, dirigeant du bureau d’études Entec. Certains bâtiments s’y prêteront mieux que d’autres. Ceux qui consomment de l’énergie en permanence en raison des activités qu’ils abritent comme les maisons de retraite ou les bâtiments industriels auront intérêt à passer à l’autoconsommation. »
Les unités de mesure du photovoltaïque
- Le kWc (kilowatt-crête) : il exprime la puissance atteinte par une installation solaire lorsqu'elle est exposée à un rayonnement solaire maximal. Un décalage de 15 % peut être constaté entre la puissance crête affichée et la puissance réelle des panneaux solaires.
- Le kWh (kilo Watt heure) mesure l'énergie électrique. Il correspond au fonctionnement d'une puissance de 1 kW pendant 1 heure.
Plus de 2 000 MW raccordés en toiture
Les chiffres spécifiques du parc photovoltaïque en toiture-terrasse ne sont pas disponibles. Une approche est néanmoins possible avec les éléments publiés par L'Observatoire de l'énergie photovoltaïque. L'organisme a recensé les niveaux de raccordement des parcs installés sur moyennes toitures (9 à 100 kW), grandes toitures (100 à 250 kW) et très grandes toitures (250 à 1MW).
Si la distinction entre toits en pente et toits-terrasses n'est pas précisée, on peut néanmoins supposer que les grandes et très grandes toitures sont plates, au regard de leur surface. Les niveaux de raccordements supérieurs à 100 kW suivent tous les évolutions du marché global du photovoltaïque. Après une phase de fort développement entre fin 2010 et 2012, les chiffres retombent brutalement pour reprendre doucement à partir de 2014.
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