Avant les années 2000, les pouvoirs publics se sont peu préoccupés des déchets de la construction. Deux décennies plus tard, l’intérêt de l’État pour ce sujet s’est fortement accru. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire vient illustrer cette nouvelle volonté de contrôle. Néanmoins, le changement va sans doute un peu trop vite pour la filière. Certes, nul n’est censé ignorer la loi, mais le BTP risque de se retrouver dans l’embarras. Créée en 2014 par l’éco-organisme Récylum (rebaptisé Ecosystem depuis 2019) avec le soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la plate-forme Démoclès a justement pour tâche d’aider les maîtres d’ouvrage et les entreprises à appréhender ces évolutions réglementaires.
Dans cette optique, cette entité a lancé le 12 mars l’appel à projets « 50 maîtres d’ouvrage exemplaires ». Cette opération s’adresse aux responsables de chantiers qui souhaiteraient mettre en pratique les théories de l’économie circulaire, sans bien savoir comment s’y prendre. Les lauréats recevront l’appui de bureaux d’études dans leurs démarches. Ce soutien pourra concerner soit une opération en particulier ou bien l’ensemble de leurs projets. « Il y a une montée progressive des obligations, explique Rym Mtibaa, coordinatrice de la plate-forme Démoclès. Il faut accompagner les acteurs afin qu’ils puissent considérer ces exigences dans leur ensemble. Cet appel d’offres cherche à déclencher une vague de mobilisation chez les maîtres d’ouvrage. Le temps n’est plus au chantier 100 % exemplaire qui reste exposé comme un trophée sur un coin de la cheminée. » Le dépôt des candidatures s'est effectué jusqu’au 30 avril prochain, « mais nous continuerons jusqu’à atteindre les cinquante participants », précise la coordinatrice.
Au nom de la loi
Si cette action vise avant tout à transmettre de bonnes pratiques, elle pourrait aussi donner une meilleure vision de la situation à l’Ademe et aux membres de Démoclès. La loi du 10 février les enjoint en effet de réfléchir à deux grands problèmes : la traçabilité des déchets du secteur et l’application du concept de « responsabilité élargie du producteur » (REP) à tous les rebuts du BTP. Pour le moment, aucune décision n’est prise quant à ces questions. « La traçabilité constitue une mesure importante. Aujourd’hui, les maîtres d’ouvrage ont des difficultés à prouver que leurs déchets sont valorisés. Et les entreprises de construction peinent à leur répondre, constate Christian Brabant, directeur général d’Ecosystem. Il faut donc que nous réussissions à garder tout le monde dans la boucle. La forme de l’outil dépendra aussi du schéma choisi pour la REP. »
Pour l’heure, ce schéma paraît loin d’être établi. Arnaud Leroy, le président de l’Ademe, n’écarte aucune piste : « Il y a une multitude de possibilités. Le sujet est conséquent et nous ne souhaitons pas nous mettre en porte-à-faux avec Bruxelles. Par ailleurs, nous touchons à un domaine très sensible où des modèles commerciaux existent déjà. » Ces derniers peuvent se prévaloir d’une certaine efficacité. Parmi les quelques 42 millions de tonnes de matériaux mis à la benne par les chantiers, Démoclès souligne que les 31 millions de tonnes de déchets inertes sont « globalement bien valorisées ». D’ici la fin de l’année, l’établissement public devrait rendre au Ministère une première étude à ce propos. « Nous ferons au mieux en fonction du calendrier », indique le président. Selon la loi, la REP devrait s’appliquer au BTP à compter du 1er janvier 2022.