© Renault
Onze métropoles imposent une interdiction ou une limitation de circulation pour les véhicules thermiques les plus polluants. À partir de 2025, plusieurs dizaines d’agglomérations de plus de 150 000 habitants seront également concernées par ces Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Un enjeu pour les entreprises qui doivent, pour certaines, repenser leur flotte de véhicules.

Définition : ZFE = Zone à faible émission

Les particules fines émises par la circulation automobile et le chauffage sont responsables, selon Santé publique France, de 40 000 décès prématurés. 7 000 autres seraient imputables au dioxyde d’azote (NOx) produit principalement par les véhicules diesel. Pour limiter ces risques sanitaires, la loi d’orientation des mobilités de 2019 renforcée par la loi « Climat et résilience » de 2021 a créé les zones à faibles émissions (ZFE ou ZFE?m). Visant les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants, ce dispositif limite ou interdit la circulation des véhicules les plus anciens et les plus polluants. Il sera instauré d’ici le 31 décembre 2024, à l’exception des territoires pouvant démontrer que les concentrations moyennes annuelles en dioxyde d’azote (NO2) sont inférieures ou égales à 10 µg/m3.

Zonage : onze agglomérations prioritaires

Sur les 43 agglomérations concernées, onze* ont été jugées prioritaires. Elles ont été obligées de déployer leur ZFE avant le 31 décembre 2020. « Depuis, sept se trouvent désormais en dessous des seuils de concentration fixés par la réglementation », rapporte Chantal Derkenne, ingénieur au service de la qualité de l’air à l’Ademe. Les quatre agglomérations restantes demeurent soumises au calendrier national. Lequel interdit, a minima, la circulation des véhicules non classés et Crit’Air 5 (véhicules diesel immatriculés entre 1997 et 2000). L’an prochain, cette interdiction va s’étendre aux Crit’Air 4 (diesels immatriculés entre 2001 et 2005) et, dès le 1er janvier 2025, aux Crit’Air 3 (diesels produits avant 2011 et essence avant 2006).

2023, 2024, 2025 : à chaque ville son calendrier

S’y retrouver dans les modalités de fonctionnement des ZFE peut relever du casse-tête. D’une agglomération à l’autre, les règles d’applications divergent. En témoignent Aix-Marseille, Lyon, Rouen et Paris considérées comme les quatre agglomérations les plus polluées de France. Point commun : la circulation des véhicules non classés et les Crit’Air 5 y sont déjà interdits. À Paris, l’interdiction s’étend aux Crit’Air 4 et devrait se poursuivre avec les Crit’Air 3 en 2024 mais des dérogations sont prévues. La Métropole du Grand Lyon se distingue par un déploiement progressif de sa ZFE, d’abord sur un périmètre central puis sur le reste du territoire. La règle s’appliquera aux Crit’Air 4 à compter du 1er septembre prochain. L’interdiction concernera le reste du territoire au 1er septembre 2024. À cette date, les Crit’Air 3 se verront interdire le périmètre central puis, à partir de 2025 toute la ZFE.

Quant à Aix-Marseille, elle décerne des dérogations locales et à durée triennale pour certaines catégories de véhicules dont font partie les engins de chantier. La métropole prévoit une interdiction des Crit’Air 4 en septembre 2023 et des Crit’Air 3 en septembre 2024.

Mise en application : les entreprises ont besoin de temps

Pour les entreprises, celles du secteur du bâtiment y compris, les différences de règles d’une ZFE à l’autre peuvent rapidement se transformer en casse-tête en raison du nombre de règlements locaux. D’autant plus que l’offre alternative aux véhicules diesel les plus anciens est insuffisante et pratiquement inexistante pour les poids lourds électriques de grands gabarits ou les gros engins de chantier. Les entreprises risquent donc d’avoir à réorganiser, par exemple, la livraison des matériaux sur site. Sans compter la question de la disponibilité des bornes à proximité des chantiers pour recharger les matériels et évidemment celle du prix. Les véhicules et les engins électriques coûtent de 25 à 50 % plus cher que leur équivalent diesel.

Surcoût : un maximum de 16 000 euros d’aides

Pour accompagner le déploiement des ZFE, des aides nationales et locales sont prévues afin de faciliter l’acquisition d’un véhicule alternatif neuf ou d’occasion. En plus de la prime à la conversion, les collectivités territoriales peuvent proposer des surprimes comme à Paris, Lyon, Marseille et Rouen. « Dans le meilleur des cas, le cumul des aides peut atteindre 15 000 euros pour les véhicules légers (jusqu’à 3,5 t) », reprend Chantal Derkenne.

Autre solution, la location sur le crédit auto pour mieux prévoir les coûts, sans s’engager à trop long terme sur un type de motorisation. L’entreprise loue l’usage au lieu d’acheter un véhicule. Le loueur et le locataire s’entendent alors sur le choix du véhicule, son prix d’achat, la durée de location, le nombre de kilomètres prévus ainsi que sur le montant du loyer.

Flottes : choisir le véhicule…

Avec une autonomie inférieure à 300 km, les véhicules électriques ne conviennent pas au trafic longue distance. En revanche, les poids lourds (PL) qui roulent au B100, un biodiesel fabriqué à partir de colza, constituent une solution de transition énergétique, d’autant qu’ils bénéficient de la vignette Crit’Air 1 pour une autonomie équivalente à celle d’un diesel classique. En revanche, l’entreprise doit disposer de ses propres cuves de ravitaillement car le B100 n’est pas distribué en station-service.

La bascule des PL vers le tout électrique sera plus longue que pour les Véhicules utilitaires légers (VUL). Pour l’heure, ce marché est surtout animé par des ventes de présérie à de gros acteurs qui ont les moyens d’essuyer les plâtres du modèle économique du tout-électrique. « À partir de 2025, le coût total de possession (TCO) des camions tout-électriques à batterie sera égal à celui des camions diesel, prophétise Jean-Yves Kerbrat DG France de Man Truck & Bus. Quant aux modèles à hydrogène, ils trouveront leur compétitivité aux alentours de 2030. »

Retrofit : transformer son véhicule

Face à la pénurie de véhicules neufs, convertir un VUL en électrique, GNV, biocarburant ou encore hydrogène reste une opération moins coûteuse que d’acheter un équivalent neuf. Le rétrofit électrique consiste à remplacer le bloc-moteur, le radiateur et le pot d’échappement par un kit de conversion. Mais pour qu’il ait le droit de circuler sur les routes, le véhicule doit être homologué par l’Utac, l’organisme désigné par l’État. Un processus long et coûteux (plusieurs centaines de milliers d’euros). Résultat, l’offre se limite aux modèles les plus courants.

Pour un VUL, le coût moyen d’une conversion électrique varie de 25 000 à 35 000 euros. Néanmoins, les propriétaires qui veulent sauter le pas peuvent bénéficier d’aides publiques. À commencer par la prime au rétrofit électrique accordée par l’État qui va jusqu’à 7 000 euros pour un véhicule de classe II et à 9 000 euros pour un classe III. À cette prime s’ajoutent des aides venant de certaines collectivités.

* Les 11 agglomérations prioritaires sont les métropoles d’Aix-Marseille, Grenoble, Grand Paris, Lyon, Montpellier, Nice, Reims, Rouen, Saint-Etienne, Strasbourg et Toulouse.