Le Cerema, centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, réalise depuis plusieurs années des études dédiées aux performances des toitures végétalisées en les plaçant dans un contexte de développement harmonieux des territoires et d’accompagnement des pouvoirs publics. Rétention des eaux de pluie et lutte contre les îlots de chaleur urbains font partie des thématiques phares.

Etanchéité.Info Le programme TVGEP, réalisé en partenariat entre le CSTB, le Laboratoire eau environnement systèmes urbains (LEESU), le Cerema (ex-CETE Île-de-France), l’Adivet et le conseil général des Hauts-de-Seine s’est achevé en septembre 2013. À quelles conclusions ont abouti les recherches ?

David Ramier Dans les grandes lignes, l’objectif de TVGEP était d’évaluer l’intérêt des toitures-terrasses végétalisées pour la gestion quantitative et qualitative des eaux pluviales. À partir d’un dispositif expérimental composé d’une toiture-terrasse découpée en six compartiments végétalisés (épaisseur de substrat : 3 et 15 cm) et deux compartiments témoins, nous avons mesuré l’ensemble des termes du bilan hydrique de chaque zone : pluie, ruissellement, évapotranspiration et contenu en eau du substrat. Le programme, lancé en 2010, s’est officiellement terminé en 2013. Nous avons réalisé par la suite une première période de suivi jusqu’en 2015. La seconde période, effectuée entre 2015 et 2018 est en cours d’analyse.

Ces expérimentations nous ont notamment confirmé que, suivant l’épaisseur du substrat, une toiture végétalisée en région Île-de-France est capable de retenir entre 50 et 70 % du cumul des eaux de pluie annuelles. Ce bon résultat doit cependant être relativisé car si l’on observe ces performances événements pluvieux par événement pluvieux, la régularité n’est pas de mise. En effet, comme le substrat a une capacité maximale de rétention d’eau (CME), selon sa teneur en eau au moment où il pleut et la quantité de pluie reçue, la toiture végétalisée peut retenir tout… ou rien. Et ce indépendamment de l’épaisseur du substrat. 

E.I. Comment alors évaluer les capacités de rétention d’eau d’une toiture-végétalisée ?

D.R. Suite aux études réalisées dans le cadre du programme TVGEP, nous avons mis au point le modèle Fonctionnel pour l’estimation de l’impact des toitures végétalisées sur le ruissellement urbain (Faveur). Il permet à chacun de calculer les capacités de rétention d’eau de sa toiture végétalisée en fonction de différents paramètres : épaisseur et CME du substrat, type de végétation… Depuis 2017, plus de cent utilisateurs (bureaux d’études et collectivités) ont eu recours à cet outil accessible via le site www.faveur.cerema.fr.

E.I. Travaillez-vous également sur les effets des toitures végétalisées sur le rafraîchissement urbain ?

D.R. Dans le cadre de TVGEP, nous avons étudié l’évapotranspiration sous l’angle de son impact sur le bilan hydrique de la toiture. En raison de son rôle énergétique, nous nous sommes penchés également sur son influence sur le rafraîchissement urbain. Ces études ont été réalisées dans le cadre du programme « Terraces », financé par l’Ademe et achevé en 2014.

E.IQuels sont les enseignements que l’on peut en tirer ?

D.R. Les mesures d’évapotranspiration ont montré qu’effectivement, le phénomène permettait de rafraîchir la température de surface de la toiture. En revanche, elles n’ont pas apporté d’éléments significatifs sur ses effets sur les îlots de chaleur urbains. Il est en effet difficile de simuler l’interaction entre l’évapotranspiration, les surfaces avoisinantes, les circulations atmosphériques… On peut aujourd’hui affirmer que le potentiel existe mais nous ne sommes pas encore en mesure de l’évaluer. Pour le moment, le modèle utilisé pour représenter ces flux ne prend en compte que l’effet local de la toiture.

E.I. Quels sont les projets en cours et à venir du Cerema en lien avec la végétalisation des toitures ?

D.R. Nous nous attachons aujourd’hui à observer l’évolution dans le temps des performances hydriques d’une toiture végétalisée. Une thèse est actuellement en cours à ce sujet au sein de l’unité de Nancy du Cerema. L’objectif est de déterminer de quelle manière le vieillissement des propriétés physiques des substrats, de l’étanchéité etc. peut influer sur les capacités de rétention d’eau d’une toiture végétalisée et, de manière générale, ses performances hydriques et thermiques.

En parallèle, nous poursuivons nos mesures d’évapotranspiration sur des toitures suivies par l’agence régionale de la biodiversité d’Île-de-France, toujours dans cette optique d’évaluation de son effet sur le rafraîchissement urbain. Des mesures sont prévues cet été.