Elu récemment président de l’association des toitures et des façades végétales (Adivet), Christophe Juif revient pour Etanchéité.Info sur les objectifs fixés pour son mandat et les enjeux auxquels les toitures-terrasses végétalisées sont confrontées aujourd’hui. 

ÉTANCHÉITÉ.INFO Vous avez été élu président de l'association des toitures et des façades végétalisées (Adivet) il y a quelques mois. Quelles sont les priorités de votre mandat ?

CHRISTOPHE JUIF Mon élection s'est également accompagnée du renouvèlement de 60 % du conseil d'administration et de 75 % du bureau. Les membres de l'Adivet ont donc exprimé un besoin important d'insuffler une nouvelle dynamique à leur organisation, qui rassemble les acteurs issus de deux univers distincts : le bâtiment et le végétal. Par cette représentation, elle se positionne comme l'interlocutrice incontournable dès qu'il s'agit de bâtiment végétalisé, quoi qu'aient laissé entendre certaines voix dernièrement. Avec en ligne de mire un objectif de croissance du marché, aussi bien quantitatif que qualitatif. En effet, les chiffres de la végétalisation de toiture stagnent depuis plusieurs années autour d'1,2 millions de mètres carrés installés tous les ans. C'est huit fois moins que ce qui se fait en Allemagne. De plus, les systèmes extensifs dominent encore trop par rapport aux procédés plus intensifs. Il reste donc encore beaucoup à faire.

Notre rôle est de convaincre les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'œuvre. Nous pouvons déjà compter sur le contexte environnemental et sociétal actuel favorable au développement de la végétalisation du bâti. Le retour de la nature en ville est aujourd'hui une évidence et le bâtiment un élément essentiel de la démarche. Pour démontrer les intérêts de verdir les toits et de privilégier des procédés aux gammes végétales élaborées, nous allons, entre autres, axer notre communication autour de trois thématiques pour lesquelles la toiture végétalisée constitue un élément de réponse à l'efficacité prouvée : la biodiversité, la contribution à la réduction des îlots de chaleur urbains et la gestion des eaux pluviales.

E.I. Pour quelles raisons le marché évolue-t-il lentement ?

C.J. Une toiture végétalisée pâtit essentiellement de deux handicaps. Tout d'abord, elle peut être confrontée aux éventuelles difficultés financières rencontrées par le chantier. En tant que dernier poste à être mis en œuvre dans les opérations de construction, c'est généralement elle que l'on supprime si les fonds viennent à manquer. Ensuite, elle est encore perçue par les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'œuvre comme complexe à concevoir puis à installer. Une appréhension parfois renforcée par la peur des sinistres, par les contraintes d'entretien… Il nous faut donc rassurer ces acteurs sur la qualité et la durabilité de ces toitures.

E.I. La récente parution de la mise à jour des Règles professionnelles (RP) pour la conception et la réalisation des terrasses et toitures végétalisées est une étape importante de ce processus ?

C.J. Les RP rassemblent en effet l'ensemble des préconisations techniques nécessaires à la bonne conception et la bonne réalisation des toitures végétalisées. Avec plus de 10 millions de m2 posés en France à ce jour, la technique de végétalisation est considérée aujourd'hui comme traditionnelle. Elle ne doit plus être considérée comme un obstacle au développement du marché, au contraire.

E.I. Comment stimuler la mise en place de végétalisations intensives ?

C. J. Les qualités des toitures intensives en termes de biodiversité, de gestion des eaux pluviales et de production agricole sont supérieures à celles des toitures extensives et semi-intensives. Il ne faut pas, pour autant, dénigrer ces dernières qui restent une première avancée et répondent aux éventuelles contraintes de surcharges pour les structures porteuses. L'Adivet souhaite néanmoins aller plus loin. Pour cela, je souhaite lancer une réflexion sur la création d'un référentiel dédié délivré en fonction du type de procédé mis en œuvre : A, B, C… Mais rien n'est défini pour le moment.

E.I. Les pouvoirs publics ont un rôle déterminant pour permettre le développement des toitures végétalisées. Sont-ils actifs en la matière ?

C.J. Il faut distinguer les actions nationales et locales. Les premières sont beaucoup moins concrètes que les secondes. Il y a certes eu l'article 86 de la loi biodiversité d'août 2016 qui impose depuis le 1er mars 2017 de la production d'énergie renouvelable et/ou un système de végétalisation en toiture des centres commerciaux. Mais cela n'est pas suffisant. C'est la raison pour laquelle l'Adivet est intervenue auprès des députés lors des débats sur la loi Elan (qui sera votée définitivement dans les semaines à venir). Nous avons réussi à faire passer in extremis un amendement à l'article 54 introduisant « la végétalisation urbaine et des immeubles » qui conseille fortement de végétaliser le bâti. Sans cette intervention, cette loi, censée apporter une réponse globale aux problématiques du logement de demain, n'intégrait pas une once de vert.

E.I. Localement, les décideurs sont plus actifs en la matière ?

C.J. La prise de conscience est plus importante au niveau local que national. Plusieurs villes ont d'ores et déjà intégré la végétalisation dans les Plans locaux d'urbanisme (PLU) et les PLU intercommunaux (PLUI). Mais il nous reste un gros travail à fournir. C'est entre autres pour cela que nous nous associons avec des partenaires tels que l'Agence régionale de la biodiversité Ile-de-France (ex NatureParif) ou le Muséum national d'histoire naturelle, le Plan bâtiment durable… pour partager notre expertise et mieux communiquer auprès des décideurs publics et privés sur l'ensemble des avantages qu'ils peuvent tirer de la végétalisation du bâtiment.