Comment évolue la situation au sein des entreprises d'étanchéité ? Nous les avions interrogées il y a trois semaines pour en savoir plus sur ce qu'il se passait alors sur le terrain. Depuis le guide de préconisations de l'OPPBTP est paru. L'activité a-t-elle repris ? Nous sommes retournés les voir pour leur poser la question. Aujourd'hui Jean-Christophe Boudin, dirigeant de l'entreprise SAB Etanchéité à Avignon.

"La parution du guide était d'autant plus attendue qu'elle a un peu tardée ! A la première lecture, mon sentiment a été qu'il ne répondait pas à toutes les problématiques spécifiques des entreprises d'étanchéité. Mais finalement, ce n'est pas son rôle non plus. Il définit un cadre général et chacun doit l'examiner à travers son propre prisme. Si on le prend au pied de la lettre, aucun chantier ne pourra réouvrir. En revanche, il est important de s'appuyer dessus pour mettre en place les mesures de sécurité appropriées à nos chantiers pour nos équipes. Il faut laisser une certaine place à l'interprétation en garantissant évidemment, que les intervenants ne prennent pas de risques, quels qu'ils soient. Ainsi, une application trop stricte peut aussi s'avérer plus nocive que bénéfique pour certains métiers. Par exemple, pour un étancheur, porter un masque lorsqu'il est en train de souder au chalumeau en plein soleil risque de lui faire manquer d'air et devient donc dangereux. C'est un jeu d'équilibre complexe.

5 % de chantiers ouverts

Aujourd'hui, deux semaines après la publication du guide, 5 % de nos chantiers sont ouverts. Ceux qui l'étaient encore partiellement le sont restés. Seuls nos collaborateurs qui en ont exprimé le souhait ont repris le travail. Pour leur permettre d'intervenir, nous nous sommes procurés l'ensemble des EPI exigés, sauf les masques qui ne sont toujours pas disponibles. En attendant, nous avons équipé tous les casques de visières plastiques et nous sommes particulièrement vigilants sur le respect des distances entre individus. Nous avons déjà investi plus de 1 000 euros pour ces équipements. De plus, les consignes relatives aux distances de sécurité dans les fourgonnettes sont difficiles à appliquer en pratique. Résultat, pour les respecter, il ne peut y avoir qu'une personne par véhicule. Elles obligent donc à passer par de l'acquisition ou de la location ou encore que les collaborateurs utilisent leur véhicule personnel. Tout cela a un coût important. L'autorisation d'EPI adaptés comme les visières pourrait être une solution. En outre, pour l'ensemble de nos chantiers, nous avons mis à jour nos plans particuliers de sécurité et de protection de la santé (PPSPS).

Acquérir l'expérience

Cette reprise progressive des chantiers va nous permettre d'acquérir de nouvelles méthodes de travail. Nous pourrons ainsi faire remonter ces informations aux rédacteurs du guide pour le faire évoluer et permettre à chaque corps d'état de travailler intelligemment. C'est à nous de le faire vivre et évoluer pour savoir comment travailler demain. Nous vivons une phase d'apprentissage et de transition. Et ce travail doit être réalisé collectivement avec l'ensemble des métiers de l'acte de construire : entreprises mais aussi maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre... En effet, le président de la République a annoncé la fin probable du confinement au 11 mai mais il est clair que la reprise ne pourra se faire dans les conditions que nous connaissions avant la pandémie. Les process vont évoluer et nous allons bien devoir nous y habituer pour avancer.

Coactivité

Les cas les plus complexes vont toucher les gros chantiers. D'ailleurs, en ce qui nous concerne, ce ne sont pas ces projets-là qui ont repris mais certaines opérations de rénovation où nous sommes le seul corps d'état intervenant. En effet, la coactivité est la source de risque la plus importante. La base vie notamment où se côtoient tous les corps d'état doit faire l'objet d'un contrôle particulièrement strict : comment la nettoie-t-on ? A quelle fréquence ? Qui contrôle ? Comment faire en sorte que les intervenants ne se croisent que peu ?  Car, il ne faut pas se leurrer, ne pas se croiser du tout n'est pas possible lorsqu'il y a coactivité. Pour résoudre ce casse-tête, coordonnateurs SPS, donneurs d'ordre et entreprises définissent ensemble des plannings de travaux zone par zone. Cela prend beaucoup de temps et les durées de chaque phase s'allongent. En étanchéité par exemple, nos équipes réalisent toute la surface sur une période donnée. Elles ne s'arrêtent pas un jour puis reprennent pour s'arrêter de nouveau... C'est ce qui va certainement se passer désormais. Or cela a un coût et ce n'est pas à l'entreprise de l'assumer. Comme je vous le disais, nous faisons déja un effort financier important pour nous s'équiper en EPI, augmenter le nombre de véhicules pour les déplacements etc.. Nous ne pouvons financer également le nettoyage de la base vie et encore moins la baisse de productivité. 

Survie financière

Car si nous arrivons encore aujourd'hui à assurer la survie financière de l'entreprise, il ne faut pas que cette situation dure trop longtemps. On ne peut pas ni continuer sans chiffre d'affaires, ni travailler à perte. D'autant plus que nous avons des difficultés à déclarer nos salariés en activité partielle. Les versements de l'Etat se font donc attendre et rendent la situation assez anxiogène. Sans oublier que nos collaborateurs aussi sont inquiets... La reprise doit être certes progressive mais surtout effective." 

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