La parution du document de l'OPPBTP a fait naître l'espoir d'une reprise des activités de construction. Pourtant, le chantier de rénovation d'une copropriété parisienne n'a pas pu redémarrer. En cause : des différences d'interprétation et une responsabilité lourde à assumer. En attendant, l'entreprise continue de payer les équipements installés.

Les travaux de rénovation des toitures-terrasses accessibles et inaccessibles d'une résidence du 15è arrondissement de Paris ont débuté en octobre 2019...pour s'arrêter net le 17 mars dernier à l'annonce du confinement. Depuis, rien ne s'est passé. Si une reprise n'était au départ pas envisageable pour des raisons évidentes de sécurité, la parution du guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction de l'OPPBTP est aujourd'hui censée changer la donne. "Considérant la configuration du site, nous estimons que nous sommes en mesure de suivre les instructions du guide et donc de redémarrer les travaux en toute sécurité pour nos collaborateurs. Mais cette décision ne nous revient pas ", explique le dirigeant de l'entreprise Dominique de Bray.  

Qui peut la prendre ? La maîtrise d'ouvrage (le conseil syndical des copropriétaires) est ici déléguée au syndic professionnel gestionnaire de l'immeuble. L'opération dispose également d'une maîtrise d'œuvre et d'un coordonnateur SPS. "Nous avons soumis notre demande à l'architecte qui l'a lui-même soumise à la maîtrise d'ouvrage déléguée qui l'a soumise au coordonnateur SPS. Ce dernier a rendu un avis défavorable, avis qui ne vaut en aucun cas une décision, avançant que plusieurs règles de sécurité ne pouvaient être respectées, notamment en matière de distanciation. Si cet argument est valable lorsque plusieurs entreprises sont amenées à travailler en même temps, nous considérons qu'il ne tient pas dans ce cas précis où justement il n'y a pas de coactivité. De plus, nous nous sommes approvisionnés en gel hydroalcoolique et en masques, nous accédons au chantier par l'extérieur via les échafaudages et n'entrons donc jamais en contact avec les occupants, nos collaborateurs connaissent les gestes barrières et les mesures de sécurité strictes à appliquer et savent adapter leurs pratiques tout en respectant les consignes propres à la construction comme par exemple, ne jamais être seul sur un échafaudage. Malgré tout, nous n'avons pas l'autorisation de reprendre et chacun reporte la responsabilité sur l'autre", rappelle Dominique de Bray.

Attendre l'assemblée générale

Pour le syndic, c'est au conseil syndical, en tant que maître d'ouvrage, de s'engager. La décision devra donc être prise en Assemblée générale de copropriété. "Tout est bloqué jusque-là et cela risque d'être long, souligne le dirigeant d'Isochape. Comment convoquer une telle réunion en plein confinement ? Sans oublier les deux mois de recours...Cela nous mène rapidement après l'été. En attendant, qui va payer le matériel installé depuis octobre ? " Et notamment l'échafaudage. Arguant que cette interruption de travaux n'est pas de son fait, le loueur de l'équipement continue à envoyer ses factures à l'entreprise. "Nous avons alerté les maîtrises d'ouvrage et d'œuvre qui ont refusé de payer. Un démontage nous coûtera encore plus cher et nous fermera l'accès au chantier. Nous sommes, là aussi bloqués et c'est à nous de régler la facture. Nous nous retrouvons dans une situation très compliquée sans moyen d'agir. On nous annonce que le guide va relancer l'activité mais nous restons finalement tributaires des décisions d'une maîtrise d'ouvrage qui n'ose s'engager et n'est pas forcément au fait des réalités de terrain. Le guide ne résout pas tout et nous en faisons aujourd'hui l'expérience : sa sortie n'est pas forcément synonyme de reprise.